L'erreur médicale : tabou (60.000 décès par an)
Il est très important de
manifester votre présence auprès de l'équipe médicale lors de
l'hospitalisation de l'un de vos proches, quitte à perdre votre
temps à saluer tout le monde, cela permet de marquer votre présence.
N'hésitez pas à poser toutes les questions que vous désirez même
si vous ne comprenez pas toutes les réponses, là encore vous devez
montrer que vous êtes présent et concerné par l'état de santé de
la personne hospitalisée. Aussi futile que ces remarques puissent
paraître, elles peuvent contribuer à renforcer l'attention de
l'équipe médicale et leur vigilance à l'égard du patient, cela
peut parfois sauver une vie. C'est ce que nous allons voir dans cet
article après avoir abordé quelques points autour des statistiques,
des institutions, des principes d'indemnisation, et de quelques faits
divers.
Il
est difficile d'avoir des statistiques précises en matière
d'erreurs médicales puisqu'elles ne sont pas toutes quantifiées.
Certaines sont reconnues comme telles par la justice ou l'ONIAM grâce
au combat des victimes. Tandis que d'autres seront dissimulées par
le milieu médical, faute d'une action intentée contre le fautif. Un
patient esseulé, et décédé des suites d'une erreur médicale,
n'aura personne pour le défendre et faire valoir une quelconque
maladresse de l'encadrement médical. Peu de professionnels honnêtes
prennent l'initiative de déclarer avoir commis une erreur car cela
violerait l'essence même de leur corporatisme. Seule la menace d'une
sanction peut contraindre ce genre de profil à rompre le silence
pour reconnaître une faute. Auquel cas nous finissons dans un sac
poubelle avec l'étiquette « à oublier », motif du
décès : inconnu.
Les
noms des praticiens pris en faute devraient être mis à la
disposition du public afin qu'ils puissent savoir à quel médecin il
confie leur corps. Il n'est plus possible de pouvoir faire confiance
aveuglément, croire aux bonnes fées, car telle est la vision du
soignant à l'égard du patient. Les exemples allemands et
britanniques seraient à suivre puisque leurs médecins ont
l'obligation de déclarer les erreurs qu'ils commettent afin d'éviter
leur répétition.
Des chiffres, des vies !
Voici
les chiffres
disponibles pour la France : 450.000 erreurs médicales par an,
soit 1% des actes chirurgicaux.1
Il est étonnant de constater que les statistiques relatives aux
erreurs médicales soient toujours aussi floues et peu détaillées,
preuve s'il en fallait du manque de transparence du milieu médical.
Les erreurs médicales sont répertoriées sous le terme générique
« d'accidents
médicaux »
par l'ONIAM. Or il serait utile d'avoir des données plus complètes
pour chaque service de médecine : post-op, chirurgie,
maternité, ambulatoire, cancérologie, cardiologie, réanimation.
Trois causes distinctes d'erreur médicale se détachent :
- par administration médicamenteuse.
- par infection nosocomiale.
- par un mauvais geste chirurgical.
Les
450.000 erreurs médicales ne recensent que les fautes officiellement
reconnues car l'omerta et la dissimulation sont de rigueur parmi les
professionnels de la santé. Rappelons que le patient est considéré
comme un objet, et non un sujet médical. La loi Kouchner avait une
certaine volonté de briser cette philosophie en rendant le dossier
médical du patient accessible. Une manière d'impliquer le citoyen
dans sa prise en charge médicale et, cas échéant, de se servir de
son dossier s'il est victime d'une erreur médicale. La loi Kouchner
accoucha aussi de l'ONIAM, une institution chargée de prendre en
considération les plaintes des victimes d'erreur médicale et de les
indemniser. Force est de constater qu'on ne change pas des mentalités
avec de tels artifices. Le compromis Kouchner n'a pas levé
l'impunité dont bénéficie les professionnels de la santé et comme
nous allons le voir l'ONIAM n'a rien d'un eldorado.
Le
médecin n'a aucune obligation de résultats envers le patient mais
il doit mettre en œuvre tous les moyens pour le soigner. En cas
d’incident, c'est à la victime de prouver la faute du médecin en
faisant le lien entre la faute commise et les conséquences sur sa
santé.
Les erreurs médicales : vrai sujet de société
Pourquoi
personne n'en parle ? C'est un complot ? Que font les
médias ? 60.000 décès par an, 60.000 victimes d'erreurs
médicales ! Cela représente 6 fois plus que le nombre de
suicide, 17 fois le nombre de morts sur la route.2
85%
des décès ont une cause pathogène, autant dire une origine
naturelle, alors que 15% d'entre eux ont une cause exogène. En 2016
il a été dénombré environ 560.000 morts en France. Parmi eux nous
pouvons relever :
825
décès = meurtre.
3.500
décès = accident de la route.3
10.000
décès = suicide.4
60.000
décès = erreur médicale.
Après
avoir pris connaissance de ces chiffres, que dire ? Il se dégage
une évidence, les moyens déployés par le gouvernement pour lutter
contre l'insécurité routière sont sans comparaison avec ceux mis en œuvre
pour améliorer la formation et l'effectif du secteur de la santé.
Pourtant la santé et l'éducation sont les piliers fondamentaux d'une société. Sans faire
de digression, j'ai démontré dans un autre article que les recettes
générées par le dispositif pour lutter contre l'insécurité
routière, radar et répression routière, étaient utilisées pour
combler le déficit intérieur. Tout est une question d'intérêts,
le gouvernement n'a aucun profit à tirer en sanctionnant la santé,
il se mettrait à dos une corporation et pas n'importe laquelle,
celle qui nous soigne.
Faits divers et indemnités
En
2014 une famille a été indemnisé
à hauteur de 11 millions d'euros suite à « une erreur
médicale commise par un gynécologue obstétricien » qui a
rendu leur enfant handicapé à 100%. Cette importante somme d'argent
ne sera versée que sous la forme d'une rente mensuelle, ceci
jusqu'au décès de leur enfant. Si la victime venait à décéder
l'année suivante alors la famille cesserait de percevoir cette
indemnité.
Au
mois d'avril 2017, Sylvie
âgée de 48 ans a subi une ablation de l'utérus par le docteur Guy
Achache à Marseille. A son réveil elle se plaignit de douleur au
ventre auprès du chirurgien qui la qualifia de « douillette »,
sans contrôler son état par le biais d'une imagerie médicale ni
même par une simple auscultation.5
En réponse il lui prescrivit des antidouleurs car douleur égale
antidouleur.
De
retour à son domicile l'état de Sylvie s'aggrave : « J'ai
eu des contractions. Une douleur atroce. J'ai subi un accouchement »,
témoigne-t-elle encore. Et d'ajouter : « Quand
j'ai expulsé le gant et les gazes, j'étais effondrée. [...] J'ai
l'impression d'être une poubelle ».
Problème : le chirurgien ne lui présente aucune excuse. « Il
me dit qu'il ne comprend pas, qu'il est surpris et qu'apparemment, il
remettrait la faute sur le personnel médical »,
explique Sylvie. Ce sont un gant et cinq compresses qui ont été
« oubliés »
dans le ventre de Sylvie car le
protocole relatif au comptage des instruments médicaux n'a pas été
respecté.
Le
« docteur »
Achache exprima toute sa sympathie et son empathie à Sylvie en ces
termes : « Si
vous n'êtes pas contente, vous n'avez qu'à saisir ma compagnie
d'assurances, je suis très bien assuré ».
Ce dédain est typique des professionnels de la santé pris en faute
car ils se savent protégés par leurs confrères. Ils ne doivent
rien à leur patient et encore moins d'explications...
Le
29 décembre 2011, Sylvie
Szekeres, une aide-cuisinière âgée d'une cinquantaine
d'années, entre à l'hôpital Duchenne de Boulogne-sur-Mer pour y
subir une ablation de l'utérus. Dès son réveil elle manifeste son
malaise mais elle sera jugée « douillette » par
l'équipe médicale. De la morphine lui sera prescrite pour apaiser
sa douleur alors qu'elle avait en réalité l'intestin
grêle perforé. Elle fut réopérée et plongée dans un coma
artificiel pendant 1 mois. Elle a perçu 50.000
euros de dommages et intérêts.6
Nelson
Goncalves-Fulgencio âgé de 22 ans, passa sept
ans avec un tuyau de 25 cm dans le ventre après une intervention
pour une appendicectomie à l'hôpital d'Orsay dans l'Essonne.
Pourtant Nelson avait multiplié les examens médicaux à base
d'imagerie afin d'identifier la cause de ses souffrances. Toujours la
même ritournelle, « vous n'avez rien, c'est musculaire ».7
Pendant sept ans personne n'a rien vu, puis un jour il a été pris
de vomissements et emmené aux urgences. L'hypothèse des
spécialistes est alors surprenante, ils pensent que Nelson est
l'hôte d'un « ver tropical ». Il est
transféré dans un autre établissement, un pôle dédié aux
maladies tropicales à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre. Une simple
radio finira par soulager le malheureux Nelson, victime de
l'incompétence répétée de plusieurs praticiens, en mettant en
lumière la présence d'un corps étranger oublié lors de l'ablation
de son appendice en 2010.8
Le cas de Nelson illustre un phénomène inquiétant, oscillant entre
incompétence ou lassitude extrêmes, car il est inconcevable de
passer à côté d'un objet de 25 cm à 20 reprises !
Le
docteur anesthésiste Alain
Olinga a été condamné à six mois de prison avec sursis et
8.000 euros d'amende mais il n'a pas écopé d'une interdiction
d'exercer. Un enfant âgé de 28 mois, avec une inflammation du
pénis, a subi une circoncision dans une clinique de l'Eure-et-Loir
au mois de mars 2011. Cet enfant est décédé d'un arrêt cardiaque,
en cause l'anesthésie générale jugée trop lourde pour ce type
d'opération et un enfant de cet âge.
Un
militaire âgé de 32 ans est admis
aux urgences à la clinique de Saint-Hilaire d'Agen pour une angine
le 25 août 2017, il décède trois jours plus tard. Cet homme en
parfaite santé s'apprêtait à partir en mission au Liban. Une
angine tenace le faisait souffrir, il se rendit alors aux urgences
sur les conseils d'un médecin. Il lui fut proposé de réaliser un
scanner et de rencontrer un ORL le lendemain. Il rentra à son
domicile avec la prescription de morphine habituelle. Le lendemain
matin, à la clinique, alors que le jeune homme patientait, il se mit
à se plaindre. Le militaire « étouffe », le
personnel soignant lui installe une pompe à morphine. Rien n'y fait
son état empire, il est ensuite placé sous oxygène mais continue à
suffoquer. Il fait un premier arrêt cardiaque, puis il est réanimé
et transféré. Finalement il décédait peu après. La famille du
militaire à déposé un recours, l'enquête est en cours.
Le
8 juillet 2012, une maman âgée de 29 ans est décédée après son
accouchement à l'hôpital de Montfermeil. De retour en chambre, tout
semblait normal, la patiente décède des suites d'une « hémorragie
massive » non détectée. L'hôpital de Montfermeil a
été condamné à verser la somme mirobolante de 20.000 euros à la
famille.9
Une anesthésiste fut condamnée à un an de prison avec sursis et
une interdiction d'exercer pendant 5 ans, assez rare pour être
souligné. Cependant le deuxième suspect, un obstétricien, a été
relaxé.
Un
homme entre à l'hôpital pour se faire arracher des dents, il
en ressort amputé d'une jambe après avoir contracté une
méningite. Il a été indemnisé à hauteur de 439.979 euros en
2016.
Des
vies et des expériences pour illustrer ce qu'il se peut se passer
dans les coulisses d'un hôpital ou d'une clinique. Oui on y sauve
des gens, c'est le métier, mais parfois des négligences mènent à
des drames humains ayant une résonance singulière pour les victimes
ainsi que tout leur cercle familial. C'est un véritable séisme pour
ceux qui le subissent. Le patient est encore considéré comme un
objet par la médecine, un objet qui peut-être le sujet d'erreur
médicale impactant sa vie de manière irréversible. De plus le
corporatisme qui sévit au sein du milieu médical n'arrange rien car
il contribue à fragiliser la relation entre le médecin et son
patient. Ce constat est largement dénoncé par les avocats qui y ont
été confronté.
La
dénégation comme méthode de défense et la dédramatisation
systématique de ces incidents ne font qu'apporter de l'eau au moulin
de ceux qui pensent que cette profession à encore du chemin à faire
en matière d'introspection et de remise en question. L'erreur est
humaine et le reconnaître est déjà apaisant pour la victime mais
bien souvent il ne s'agit pas de la faillite d'un seul homme mais de
tout un système d'encadrement installé dans une routine meurtrière.
Savoir reconnaître une erreur médicale c'est reconnaître l'autre
en tant que personne, la nier c'est pratiquer une médecine
inhumaine.
Loi Kouchner
Cette
loi a été conçu en 2002 dans un contexte de pandémie du virus
VIH/Sida. Quelques mois après que l'ordonnance de non-lieu dans
l'affaire du sang contaminé ait été rendu publique au mois de
juillet 2002. Un timing frisant la perfection. dévoilant des
considérations politiques plutôt que sanitaires. Pourquoi avoir
attendu 2002 pour permette au patient d'être indemnisé autrement
que par la voie judiciaire ? N'y a-t-il jamais eu d'erreurs
médicales antérieures à 2002 ? Les arrêts Bianchi ou
Perruche témoignent du contraire.
La
loi Kouchner du 4 mars 2002 avait la volonté de rééquilibrer la
relation entre le patient et son médecin afin de la rendre plus
équitable pour l'usager. Cette loi a mis en place le consentement
libre et éclairé du patient, l'accès à son dossier médical ainsi
que l'ONIAM,10
une instance chargée d'indemniser les victimes d'« accidents
médicaux ». La sémantique employée par l'ONIAM n'a
rien d'anodine car le terme accident recouvre une connotation
équivoque, préservant l'image du divin docteur à l'éthique et la
déontologie irréprochables.
CRCI ou procédure pénale ? Il faut choisir...
La loi Kouchner a finalisé la création de l'Office National
d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), comportant 22
membres au sein de son conseil
d'administration dont 11
représentants de l’État et 9 autres personnes nommées par le
ministre de la Santé. Les Commissions
Régionales de Conciliation et d'Indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
(CRCI devenu CCI) est un dispositif chapeauté par l'ONIAM,
permettant une conciliation à l'amiable entre les différentes
parties.
L'ONIAM
et le CRCI servent les intérêts du gouvernement, non celui des
patients ayant été victimes d'une erreur médicale. De nos jours,
en tenant ce genre d'analyse, nous sommes étiquetés comme
complotistes car nous émettons un avis négatif envers la politique
du pouvoir central. Soit, que disent les chiffres du rapport
d'activité de l'ONIAM en 2016 ? Ils démontrent qu'un dossier
sur quatre abouti à un avis favorable de l'ONIAM. En plus de
protéger le milieu médical d'hypothétiques sanctions, cette
institution veille également à limiter le montant des indemnités
reversées aux victimes, nettement inférieures à celles qu'elles
auraient pu obtenir via une procédure pénale. Enfin grâce à
l'ONIAM le gouvernement désengorge en partie les tribunaux français.
Le bénéfice est maximal pour l’État français et inchangé pour
le praticien.
Dernièrement
le statut des cheminots a
été remis en question comme si ces personnes aux revenus modestes
étaient responsables de tous les maux de la société française et
du déficit intérieur. Sont-ils responsables de dizaine de milliers
de morts ? Sont-ils à l'abri de sanctions en cas de faute ?
Pourquoi ne pas débattre des protections dont bénéficient le
milieu médical ? Assurances, ONIAM, CRCI, le Conseil National
de l'Ordre des Médecins, l'Agence Régionale de la Santé (ARS),
voilà un certain nombre d'acteurs qui offrent une relative immunité
aux praticiens de la médecine, jouant l'interface avec le citoyen
français, et en complexifiant la communication. Combien de patients
se sont-ils entendu rétorquer « allez vous plaindre auprès
de mon assurance, de l'ARS, du Conseil de l'Ordre ou de l'ONIAM » ?
Les professionnels de la santé savent pertinemment que ces
institutions sont avant tout ici pour défendre leur activité et non
pour la condamner. En revanche nous ne les entendons pas encourager
leur patient à entamer une procédure au pénale. Ce qu'on nous
cache est souvent la meilleure des voies à suivre.
En
2016 le montant des indemnités reversées s'élèvent à 103
millions d'euros dont 84 millions concernant « les
accidents médicaux ». Ces indemnités
représentent 0,9% du budget du ministère de la santé qui s'élève
à 9 milliards par an. Mais l'indemnisation des victimes n'est qu'une
donnée du problème. Qu'en est-il des sanctions concernant ces
dossiers ?
Le
citoyen français ne se sent-il pas concerné par sa santé ?
Dans les médias le nom du fautif est systématiquement passé sous
silence. Or, pour chaque clinique, chaque hôpital, chaque structure
de soins, la loi devrait prévoir l'affichage d'une liste mentionnant
les praticiens déjà sanctionné dans l'exercice de leur profession.
Mais comme le citoyen français est toujours l'objet de la médecine
et non le sujet, il lui est interdit de connaître le passif du
docteur à qui il confie son corps. Est-ce seulement acceptable ?
Lorsque
nous vivons un tel drame, une erreur médicale, nous sommes perdus et
dans la souffrance, cela nous rend très vulnérable et manipulable.
Il faudra savoir se ressaisir pour agir et faire valoir la
reconnaissance d'une quelconque faute afin que justice soit faite.
Pour cela il faut nécessairement prendre les conseils avisés d'un
avocat lors d'un premier entretien car les professionnels de la santé
vous orienteront systématiquement vers le CRCI. Le
meilleur moyen pour eux de s'en sortir indemne. La voie à suivre
pour les personnes désirant avoir une meilleure défense, de
meilleures indemnités et une sanction pénale pour le coupable,
reste la procédure pénale par le biais d'un avocat.
Hôpital de Montfermeil 2010
Une
appendicectomie plonge une famille dans l'inquiétude, l'angoisse, la
souffrance et la colère. Et finalement l'acceptation d'une vie
différente après avoir croisée l'incompétence d'un chirurgien.
Celui-ci a reconnu les faits devant le Conseil National de l'Ordre des Médecins mais cela ne l'a pas
empêché de bénéficier d'une promotion au sein même de l'hôpital
de Montfermeil. Depuis 2013 le docteur P. exerce en tant que chef de
service viscérale, vasculaire et urologique.
Jean
était détenteur d'un défibrillateur car il présentait une
pathologie cardiaque pouvant nécessiter un réamorçage du cœur par
onde de choc. Le dossier médical de Jean était archivé à
l'hôpital de Montfermeil car il y était suivi pour son cœur par le
docteur Sergent. Durant plus
de trois ans l'appareil de Jean ne s'était jusqu'alors déclenché à
aucune reprise. Après sa prise en charge pour une appendicectomie
par le docteur P., le défibrillateur s'est déclenché à 21
reprises.
Comment
reconnaître un docteur ou un soignant compétent ? Celui qui
vous sauve alors que vous deviez trépasser est un excellent
praticien car il a repoussé les limites de sa mission. Alors que
celui qui vous soigne se contente de faire son métier.
Le
7 août 2010, un homme âgé de 62 ans est pris en charge aux
urgences du CHU de Montfermeil pour une vive douleur dans le bas
ventre, symptôme typique d'une appendicite aiguë. Quoi de plus
banal ? De plus, le diagnostic avait déjà été établi par un
scanner effectué dans la matinée du 7 août 2010. Malgré cela Jean
a dû attendre cinq heures avant sa prise en charge, il a été opéré
le lendemain matin sans avoir signer un quelconque consentement.
Dès
son retour en chambre Jean a manifesté auprès de l'équipe
soignante des douleurs et des difficultés à uriner. Comme pour les
autres victimes, les soignants se contentèrent de calmer ce patient
« douillet » avec de la morphine. Son corps parle
alors faisons le taire pour qu'il rentre chez lui, fin de l'histoire.
La médication remplace parfois la communication avec le patient et
la réelle prise en compte de son état de santé. Personne n'a été
interpellé par ce patient se plaignant des suites opératoires d'une
appendicectomie ? Sans doute était-il fragile, sensible,
douillet, alors calmons-le avec des antalgiques et de la morphine.
Sans doute... mais qui a pris le temps de vérifier ? Personne !
En partant du principe qu'un chirurgien ne commet jamais d'erreur,
cela suppose que le patient divague sans motif apparent. La famille
de Jean savait que s'il disait avoir mal alors sa souffrance était
réelle car il n'a jamais sourcillé après avoir subi une
intervention chirurgicale lors de la pose de son défibrillateur.
Dans
son lit d'hôpital Jean souffrait anormalement mais il ignorait que
le chirurgien lui avait perforé à deux reprises l'intestin grêle.
Le risque de septicémie était imminent. C'est grâce à la
pugnacité de sa femme, Annick, qui poussa l'équipe médicale à
reconsidérer l'état de Jean, que ces vaines plaintes ont été
prises en considération. Ce patient n'était finalement pas si
douillet que ça ! Il hurlait simplement depuis des heures qu'il
était entrain de mourir à petit feu de l'intérieur.
32
heures après sa sortie du bloc pour son appendicectomie, Jean est
réopéré. Il subit cette fois-ci une résection de l'intestin grêle
(ablation partielle) avec la pose d'une stomie. Il est immédiatement
plongé dans un coma artificiel dont il ne sortit que 22 jours plus
tard. Il passa au total 3 mois dans le service de réanimation à
l'hôpital de Montfermeil. Puis 3 mois en rééducation
nutritionnelle à l'hôpital de Forcilles. Tout d'abord nourri par
voie parentérale puis en mixé afin de retrouver progressivement
l'envie et la capacité de se nourrir normalement. Sans compter la
rééducation fonctionnelle qui fut l'étape la plus longue.
Le
« coma artificiel » une expression qui
cache toute l'horreur d'une famille qui voit l'un de ses intimes
plongé dans un sommeil profond. Vous ne dormez plus car vous êtes
terrifié par l'épreuve que vous traversez pendant que lui semble
dormir paisiblement. On vous dit que c'est bientôt fini, on
l'enterre avant même son dernier souffle mais vous êtes toujours
là, tenace, car il a besoin de vous, d'espoir et d'amour. Le service
de réanimation a été plus que pessimiste concernant le devenir de
Jean mais cet homme d'une rare robustesse s'est réveillé. Les
médecins avaient là un énorme problème car ce patient gênant
était revenu de l'enfer. Tout cela pour une banale appendicectomie.
La famille était dans une colère noire car personne ne voulait
reconnaître explicitement la responsabilité de quoi que ce soit.
Une vie entière interrompu pendant 6 mois plus une période de
convalescence, tout cela par malchance ou des « peut-être » !
Ces scientifiques dont la formation est basée sur la rigueur, les
certitudes et la raison, semblaient avoir perdu toute contenance face
à aux erreurs manifestes de leurs collègues. Mais l'intérêt de
leur institution passait avant la vie d'un patient, une réalité
glaçante mais véridique.
Jean a dû accepter son état, ses mutilations corporelles, et accepter l'erreur qui bouleversa les dernières années
de sa vie, chamboulant ses projets. Cela faisait énormément à
digérer pour une simple appendicite. Tout cela pour, finalement,
revenir au sein de l'hôpital qui vous a massacré pour y subir une
opération dite de « continuité » par un confrère
du docteur P., le chef de service Alcide Thognon. Depuis lors Jean a
subi de multiples examens et même une hospitalisation en réanimation
durant l'année 2017 pour une occlusion intestinale aiguë sur colite
sigmoïdienne (colon).
Interview de Jean et Annick
Élodie Soulié, une journaliste du
Parisien, s'est entretenue à deux reprises avec Jean et Annick,
respectivement les 23 juin 2011 et
8 février 2012. Le directeur de l'hôpital de Montfermeil, Jean-Louis Feutrie, avait déclaré que « les
incidents médicaux sont fréquents ». Il regrettait
également que le docteur P. n'ait pas reçu Jean et sa femme afin de
leur « expliquer les choses ». En
effet, le docteur P. s'est montré peu soucieux du devenir de son
patient, il n'a manifesté aucune empathie à son égard. Peu après
le docteur P. fut promu au poste de chef
de service viscérale, vasculaire et urologique, à la place du
docteur Alcide Thognon. Celui-là même qui prit la responsabilité
d'opérer Jean en effectuant la « continuité »
afin de rétablir le circuit digestif. Le docteur Alcide Thognon a
quitté l'hôpital de Montfermeil au début de l'année 2013. Son
départ a été jugé « inopiné »
et « prématuré »
par l'association CHOCS9CUBE. Il exerçait ses fonctions de chef de
service depuis le départ à la retraite du docteur Régine Richer.
Dorénavant le docteur Thognon exerce ses talents en tant que
praticien, et non plus chef de service, au sein du Centre hospitalier
de Gonesse. Concernant le docteur P. sa promotion est une hérésie,
plus encore après avoir été mis en examen.
Voici
une courte description de la vie d'un homme d'origine portugaise,
celle d'un travailleur forcené arrivé à l'âge de 14 ans en
France. Jean a suivi une formation de carreleur puis il a travaillé
et développé tous les arts et métiers dans le domaine du bâtiment.
Concevoir sur plan puis ériger de ses mains ce qu'il désire était
son métier. La suite n'est que le fruit de son travail car lorsque
vous avez du talent alors la clientèle huppée frappe à votre porte
pour réclamer vos services comme le richissime Jean-Pierre Willot ou
la famille Rothschild, et de nombreuses personnalités du show-biz.
Après cinquante années de labeur, Jean n'a eu à sa connaissance
aucun de ces ouvrages qui se sont écroulés sur la tête de ses
anciens clients. Puisse le docteur P. en faire autant avec la vie de
ses patients.
Frank
D.
120
minutes : "On estime à 450.000 le nombre d’erreurs
médicales en France par an", Vincent Vantighem, 16 décembre
2014.
2Le
Parisien : Erreurs médicales : à quand une vraie
transparence ? Elsa Mari, 23 novembre 2017.
3Le
Monde : Le nombre de morts sur les routes en France augmente
pour la troisième année consécutive, Rafaële Rivais, 23 janvier
2017.
4Le
Monde : Six chiffres-clés pour comprendre le suicide en
France, Alexandre Pouchard, 9 février 2016.
520
minutes : Elle ''accouche'' d'un gant et de compresses
oubliés par un chirurgien, Adrien Max, 23 janvier 2018.
6La
Voix du Nord : Le témoignage de Sylvie, brisée par une erreur
médicale : ''C'est tombé sur moi'', 26 juillet 2015.
7Le
Parisien : Il vit durant 7 ans avec un tuyau oublié dans le
ventre, Elsa Mari, 30 juin 2017.
8Ouest-France :
Erreur médicale. Il passe 7 ans avec un tuyau oublié dans le
ventre, 30 juin 2017.
9Le
Parisien : Seine-Saint-Denis : l'hôpital et deux médecins
au tribunal après la mort d'une maman, Carole Sterlé, 19 mai 2017.
Le Point : Une anesthésiste condamnée
après la mort d'une femme en couches, AFP, 30 juin 2017.
10Le
rapport Evin (2001) préconisait la mise en place du principe
d'indemnisation pour les aléas thérapeutiques. L'ONIAM a été le
fruit de ces travaux.
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