L'erreur médicale : tabou (60.000 décès par an)



Il est très important de manifester votre présence auprès de l'équipe médicale lors de l'hospitalisation de l'un de vos proches, quitte à perdre votre temps à saluer tout le monde, cela permet de marquer votre présence. N'hésitez pas à poser toutes les questions que vous désirez même si vous ne comprenez pas toutes les réponses, là encore vous devez montrer que vous êtes présent et concerné par l'état de santé de la personne hospitalisée. Aussi futile que ces remarques puissent paraître, elles peuvent contribuer à renforcer l'attention de l'équipe médicale et leur vigilance à l'égard du patient, cela peut parfois sauver une vie. C'est ce que nous allons voir dans cet article après avoir abordé quelques points autour des statistiques, des institutions, des principes d'indemnisation, et de quelques faits divers.

Il est difficile d'avoir des statistiques précises en matière d'erreurs médicales puisqu'elles ne sont pas toutes quantifiées. Certaines sont reconnues comme telles par la justice ou l'ONIAM grâce au combat des victimes. Tandis que d'autres seront dissimulées par le milieu médical, faute d'une action intentée contre le fautif. Un patient esseulé, et décédé des suites d'une erreur médicale, n'aura personne pour le défendre et faire valoir une quelconque maladresse de l'encadrement médical. Peu de professionnels honnêtes prennent l'initiative de déclarer avoir commis une erreur car cela violerait l'essence même de leur corporatisme. Seule la menace d'une sanction peut contraindre ce genre de profil à rompre le silence pour reconnaître une faute. Auquel cas nous finissons dans un sac poubelle avec l'étiquette « à oublier », motif du décès : inconnu.

Les noms des praticiens pris en faute devraient être mis à la disposition du public afin qu'ils puissent savoir à quel médecin il confie leur corps. Il n'est plus possible de pouvoir faire confiance aveuglément, croire aux bonnes fées, car telle est la vision du soignant à l'égard du patient. Les exemples allemands et britanniques seraient à suivre puisque leurs médecins ont l'obligation de déclarer les erreurs qu'ils commettent afin d'éviter leur répétition.

Des chiffres, des vies !

Voici les chiffres disponibles pour la France : 450.000 erreurs médicales par an, soit 1% des actes chirurgicaux.1 Il est étonnant de constater que les statistiques relatives aux erreurs médicales soient toujours aussi floues et peu détaillées, preuve s'il en fallait du manque de transparence du milieu médical. Les erreurs médicales sont répertoriées sous le terme générique « d'accidents médicaux » par l'ONIAM. Or il serait utile d'avoir des données plus complètes pour chaque service de médecine : post-op, chirurgie, maternité, ambulatoire, cancérologie, cardiologie, réanimation. Trois causes distinctes d'erreur médicale se détachent :
  • par administration médicamenteuse.
  • par infection nosocomiale.
  • par un mauvais geste chirurgical.
Les 450.000 erreurs médicales ne recensent que les fautes officiellement reconnues car l'omerta et la dissimulation sont de rigueur parmi les professionnels de la santé. Rappelons que le patient est considéré comme un objet, et non un sujet médical. La loi Kouchner avait une certaine volonté de briser cette philosophie en rendant le dossier médical du patient accessible. Une manière d'impliquer le citoyen dans sa prise en charge médicale et, cas échéant, de se servir de son dossier s'il est victime d'une erreur médicale. La loi Kouchner accoucha aussi de l'ONIAM, une institution chargée de prendre en considération les plaintes des victimes d'erreur médicale et de les indemniser. Force est de constater qu'on ne change pas des mentalités avec de tels artifices. Le compromis Kouchner n'a pas levé l'impunité dont bénéficie les professionnels de la santé et comme nous allons le voir l'ONIAM n'a rien d'un eldorado.

Le médecin n'a aucune obligation de résultats envers le patient mais il doit mettre en œuvre tous les moyens pour le soigner. En cas d’incident, c'est à la victime de prouver la faute du médecin en faisant le lien entre la faute commise et les conséquences sur sa santé.

Les erreurs médicales : vrai sujet de société

Pourquoi personne n'en parle ? C'est un complot ? Que font les médias ? 60.000 décès par an, 60.000 victimes d'erreurs médicales ! Cela représente 6 fois plus que le nombre de suicide, 17 fois le nombre de morts sur la route.2


85% des décès ont une cause pathogène, autant dire une origine naturelle, alors que 15% d'entre eux ont une cause exogène. En 2016 il a été dénombré environ 560.000 morts en France. Parmi eux nous pouvons relever :

825 décès = meurtre.
3.500 décès = accident de la route.3
10.000 décès = suicide.4
60.000 décès = erreur médicale.

Après avoir pris connaissance de ces chiffres, que dire ? Il se dégage une évidence, les moyens déployés par le gouvernement pour lutter contre l'insécurité routière sont sans comparaison avec ceux mis en œuvre pour améliorer la formation et l'effectif du secteur de la santé. Pourtant la santé et l'éducation sont les piliers fondamentaux d'une société. Sans faire de digression, j'ai démontré dans un autre article que les recettes générées par le dispositif pour lutter contre l'insécurité routière, radar et répression routière, étaient utilisées pour combler le déficit intérieur. Tout est une question d'intérêts, le gouvernement n'a aucun profit à tirer en sanctionnant la santé, il se mettrait à dos une corporation et pas n'importe laquelle, celle qui nous soigne.

Faits divers et indemnités

En 2014 une famille a été indemnisé à hauteur de 11 millions d'euros suite à « une erreur médicale commise par un gynécologue obstétricien » qui a rendu leur enfant handicapé à 100%. Cette importante somme d'argent ne sera versée que sous la forme d'une rente mensuelle, ceci jusqu'au décès de leur enfant. Si la victime venait à décéder l'année suivante alors la famille cesserait de percevoir cette indemnité.

Au mois d'avril 2017, Sylvie âgée de 48 ans a subi une ablation de l'utérus par le docteur Guy Achache à Marseille. A son réveil elle se plaignit de douleur au ventre auprès du chirurgien qui la qualifia de « douillette », sans contrôler son état par le biais d'une imagerie médicale ni même par une simple auscultation.5 En réponse il lui prescrivit des antidouleurs car douleur égale antidouleur.

De retour à son domicile l'état de Sylvie s'aggrave : « J'ai eu des contractions. Une douleur atroce. J'ai subi un accouchement », témoigne-t-elle encore. Et d'ajouter : « Quand j'ai expulsé le gant et les gazes, j'étais effondrée. [...] J'ai l'impression d'être une poubelle ». Problème : le chirurgien ne lui présente aucune excuse. « Il me dit qu'il ne comprend pas, qu'il est surpris et qu'apparemment, il remettrait la faute sur le personnel médical », explique Sylvie. Ce sont un gant et cinq compresses qui ont été « oubliés » dans le ventre de Sylvie car le protocole relatif au comptage des instruments médicaux n'a pas été respecté.

Le « docteur » Achache exprima toute sa sympathie et son empathie à Sylvie en ces termes : « Si vous n'êtes pas contente, vous n'avez qu'à saisir ma compagnie d'assurances, je suis très bien assuré ». Ce dédain est typique des professionnels de la santé pris en faute car ils se savent protégés par leurs confrères. Ils ne doivent rien à leur patient et encore moins d'explications...

Le 29 décembre 2011, Sylvie Szekeres, une aide-cuisinière âgée d'une cinquantaine d'années, entre à l'hôpital Duchenne de Boulogne-sur-Mer pour y subir une ablation de l'utérus. Dès son réveil elle manifeste son malaise mais elle sera jugée « douillette » par l'équipe médicale. De la morphine lui sera prescrite pour apaiser sa douleur alors qu'elle avait en réalité l'intestin grêle perforé. Elle fut réopérée et plongée dans un coma artificiel pendant 1 mois. Elle a perçu 50.000 euros de dommages et intérêts.6

Nelson Goncalves-Fulgencio âgé de 22 ans, passa sept ans avec un tuyau de 25 cm dans le ventre après une intervention pour une appendicectomie à l'hôpital d'Orsay dans l'Essonne. Pourtant Nelson avait multiplié les examens médicaux à base d'imagerie afin d'identifier la cause de ses souffrances. Toujours la même ritournelle, « vous n'avez rien, c'est musculaire ».7 Pendant sept ans personne n'a rien vu, puis un jour il a été pris de vomissements et emmené aux urgences. L'hypothèse des spécialistes est alors surprenante, ils pensent que Nelson est l'hôte d'un « ver tropical ». Il est transféré dans un autre établissement, un pôle dédié aux maladies tropicales à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre. Une simple radio finira par soulager le malheureux Nelson, victime de l'incompétence répétée de plusieurs praticiens, en mettant en lumière la présence d'un corps étranger oublié lors de l'ablation de son appendice en 2010.8 Le cas de Nelson illustre un phénomène inquiétant, oscillant entre incompétence ou lassitude extrêmes, car il est inconcevable de passer à côté d'un objet de 25 cm à 20 reprises !

Le docteur anesthésiste Alain Olinga a été condamné à six mois de prison avec sursis et 8.000 euros d'amende mais il n'a pas écopé d'une interdiction d'exercer. Un enfant âgé de 28 mois, avec une inflammation du pénis, a subi une circoncision dans une clinique de l'Eure-et-Loir au mois de mars 2011. Cet enfant est décédé d'un arrêt cardiaque, en cause l'anesthésie générale jugée trop lourde pour ce type d'opération et un enfant de cet âge.

Un militaire âgé de 32 ans est admis aux urgences à la clinique de Saint-Hilaire d'Agen pour une angine le 25 août 2017, il décède trois jours plus tard. Cet homme en parfaite santé s'apprêtait à partir en mission au Liban. Une angine tenace le faisait souffrir, il se rendit alors aux urgences sur les conseils d'un médecin. Il lui fut proposé de réaliser un scanner et de rencontrer un ORL le lendemain. Il rentra à son domicile avec la prescription de morphine habituelle. Le lendemain matin, à la clinique, alors que le jeune homme patientait, il se mit à se plaindre. Le militaire « étouffe », le personnel soignant lui installe une pompe à morphine. Rien n'y fait son état empire, il est ensuite placé sous oxygène mais continue à suffoquer. Il fait un premier arrêt cardiaque, puis il est réanimé et transféré. Finalement il décédait peu après. La famille du militaire à déposé un recours, l'enquête est en cours.

Le 8 juillet 2012, une maman âgée de 29 ans est décédée après son accouchement à l'hôpital de Montfermeil. De retour en chambre, tout semblait normal, la patiente décède des suites d'une « hémorragie massive » non détectée. L'hôpital de Montfermeil a été condamné à verser la somme mirobolante de 20.000 euros à la famille.9 Une anesthésiste fut condamnée à un an de prison avec sursis et une interdiction d'exercer pendant 5 ans, assez rare pour être souligné. Cependant le deuxième suspect, un obstétricien, a été relaxé.

Un homme entre à l'hôpital pour se faire arracher des dents, il en ressort amputé d'une jambe après avoir contracté une méningite. Il a été indemnisé à hauteur de 439.979 euros en 2016.

Des vies et des expériences pour illustrer ce qu'il se peut se passer dans les coulisses d'un hôpital ou d'une clinique. Oui on y sauve des gens, c'est le métier, mais parfois des négligences mènent à des drames humains ayant une résonance singulière pour les victimes ainsi que tout leur cercle familial. C'est un véritable séisme pour ceux qui le subissent. Le patient est encore considéré comme un objet par la médecine, un objet qui peut-être le sujet d'erreur médicale impactant sa vie de manière irréversible. De plus le corporatisme qui sévit au sein du milieu médical n'arrange rien car il contribue à fragiliser la relation entre le médecin et son patient. Ce constat est largement dénoncé par les avocats qui y ont été confronté.

La dénégation comme méthode de défense et la dédramatisation systématique de ces incidents ne font qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui pensent que cette profession à encore du chemin à faire en matière d'introspection et de remise en question. L'erreur est humaine et le reconnaître est déjà apaisant pour la victime mais bien souvent il ne s'agit pas de la faillite d'un seul homme mais de tout un système d'encadrement installé dans une routine meurtrière. Savoir reconnaître une erreur médicale c'est reconnaître l'autre en tant que personne, la nier c'est pratiquer une médecine inhumaine.

Loi Kouchner

Cette loi a été conçu en 2002 dans un contexte de pandémie du virus VIH/Sida. Quelques mois après que l'ordonnance de non-lieu dans l'affaire du sang contaminé ait été rendu publique au mois de juillet 2002. Un timing frisant la perfection. dévoilant des considérations politiques plutôt que sanitaires. Pourquoi avoir attendu 2002 pour permette au patient d'être indemnisé autrement que par la voie judiciaire ? N'y a-t-il jamais eu d'erreurs médicales antérieures à 2002 ? Les arrêts Bianchi ou Perruche témoignent du contraire.

La loi Kouchner du 4 mars 2002 avait la volonté de rééquilibrer la relation entre le patient et son médecin afin de la rendre plus équitable pour l'usager. Cette loi a mis en place le consentement libre et éclairé du patient, l'accès à son dossier médical ainsi que l'ONIAM,10 une instance chargée d'indemniser les victimes d'« accidents médicaux ». La sémantique employée par l'ONIAM n'a rien d'anodine car le terme accident recouvre une connotation équivoque, préservant l'image du divin docteur à l'éthique et la déontologie irréprochables.

CRCI ou procédure pénale ? Il faut choisir...

La loi Kouchner a finalisé la création de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), comportant 22 membres au sein de son conseil d'administration dont 11 représentants de l’État et 9 autres personnes nommées par le ministre de la Santé. Les Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI devenu CCI) est un dispositif chapeauté par l'ONIAM, permettant une conciliation à l'amiable entre les différentes parties.



L'ONIAM et le CRCI servent les intérêts du gouvernement, non celui des patients ayant été victimes d'une erreur médicale. De nos jours, en tenant ce genre d'analyse, nous sommes étiquetés comme complotistes car nous émettons un avis négatif envers la politique du pouvoir central. Soit, que disent les chiffres du rapport d'activité de l'ONIAM en 2016 ? Ils démontrent qu'un dossier sur quatre abouti à un avis favorable de l'ONIAM. En plus de protéger le milieu médical d'hypothétiques sanctions, cette institution veille également à limiter le montant des indemnités reversées aux victimes, nettement inférieures à celles qu'elles auraient pu obtenir via une procédure pénale. Enfin grâce à l'ONIAM le gouvernement désengorge en partie les tribunaux français. Le bénéfice est maximal pour l’État français et inchangé pour le praticien.



Dernièrement le statut des cheminots a été remis en question comme si ces personnes aux revenus modestes étaient responsables de tous les maux de la société française et du déficit intérieur. Sont-ils responsables de dizaine de milliers de morts ? Sont-ils à l'abri de sanctions en cas de faute ? Pourquoi ne pas débattre des protections dont bénéficient le milieu médical ? Assurances, ONIAM, CRCI, le Conseil National de l'Ordre des Médecins, l'Agence Régionale de la Santé (ARS), voilà un certain nombre d'acteurs qui offrent une relative immunité aux praticiens de la médecine, jouant l'interface avec le citoyen français, et en complexifiant la communication. Combien de patients se sont-ils entendu rétorquer « allez vous plaindre auprès de mon assurance, de l'ARS, du Conseil de l'Ordre ou de l'ONIAM » ? Les professionnels de la santé savent pertinemment que ces institutions sont avant tout ici pour défendre leur activité et non pour la condamner. En revanche nous ne les entendons pas encourager leur patient à entamer une procédure au pénale. Ce qu'on nous cache est souvent la meilleure des voies à suivre.



En 2016 le montant des indemnités reversées s'élèvent à 103 millions d'euros dont 84 millions concernant « les accidents médicaux ». Ces indemnités représentent 0,9% du budget du ministère de la santé qui s'élève à 9 milliards par an. Mais l'indemnisation des victimes n'est qu'une donnée du problème. Qu'en est-il des sanctions concernant ces dossiers ?






Le citoyen français ne se sent-il pas concerné par sa santé ? Dans les médias le nom du fautif est systématiquement passé sous silence. Or, pour chaque clinique, chaque hôpital, chaque structure de soins, la loi devrait prévoir l'affichage d'une liste mentionnant les praticiens déjà sanctionné dans l'exercice de leur profession. Mais comme le citoyen français est toujours l'objet de la médecine et non le sujet, il lui est interdit de connaître le passif du docteur à qui il confie son corps. Est-ce seulement acceptable ?



Lorsque nous vivons un tel drame, une erreur médicale, nous sommes perdus et dans la souffrance, cela nous rend très vulnérable et manipulable. Il faudra savoir se ressaisir pour agir et faire valoir la reconnaissance d'une quelconque faute afin que justice soit faite. Pour cela il faut nécessairement prendre les conseils avisés d'un avocat lors d'un premier entretien car les professionnels de la santé vous orienteront systématiquement vers le CRCI. Le meilleur moyen pour eux de s'en sortir indemne. La voie à suivre pour les personnes désirant avoir une meilleure défense, de meilleures indemnités et une sanction pénale pour le coupable, reste la procédure pénale par le biais d'un avocat.


Hôpital de Montfermeil 2010


Une appendicectomie plonge une famille dans l'inquiétude, l'angoisse, la souffrance et la colère. Et finalement l'acceptation d'une vie différente après avoir croisée l'incompétence d'un chirurgien. Celui-ci a reconnu les faits devant le Conseil National de l'Ordre des Médecins mais cela ne l'a pas empêché de bénéficier d'une promotion au sein même de l'hôpital de Montfermeil. Depuis 2013 le docteur P. exerce en tant que chef de service viscérale, vasculaire et urologique.



Jean était détenteur d'un défibrillateur car il présentait une pathologie cardiaque pouvant nécessiter un réamorçage du cœur par onde de choc. Le dossier médical de Jean était archivé à l'hôpital de Montfermeil car il y était suivi pour son cœur par le docteur Sergent. Durant plus de trois ans l'appareil de Jean ne s'était jusqu'alors déclenché à aucune reprise. Après sa prise en charge pour une appendicectomie par le docteur P., le défibrillateur s'est déclenché à 21 reprises.



Comment reconnaître un docteur ou un soignant compétent ? Celui qui vous sauve alors que vous deviez trépasser est un excellent praticien car il a repoussé les limites de sa mission. Alors que celui qui vous soigne se contente de faire son métier.

Le 7 août 2010, un homme âgé de 62 ans est pris en charge aux urgences du CHU de Montfermeil pour une vive douleur dans le bas ventre, symptôme typique d'une appendicite aiguë. Quoi de plus banal ? De plus, le diagnostic avait déjà été établi par un scanner effectué dans la matinée du 7 août 2010. Malgré cela Jean a dû attendre cinq heures avant sa prise en charge, il a été opéré le lendemain matin sans avoir signer un quelconque consentement.

Dès son retour en chambre Jean a manifesté auprès de l'équipe soignante des douleurs et des difficultés à uriner. Comme pour les autres victimes, les soignants se contentèrent de calmer ce patient « douillet » avec de la morphine. Son corps parle alors faisons le taire pour qu'il rentre chez lui, fin de l'histoire. La médication remplace parfois la communication avec le patient et la réelle prise en compte de son état de santé. Personne n'a été interpellé par ce patient se plaignant des suites opératoires d'une appendicectomie ? Sans doute était-il fragile, sensible, douillet, alors calmons-le avec des antalgiques et de la morphine. Sans doute... mais qui a pris le temps de vérifier ? Personne ! En partant du principe qu'un chirurgien ne commet jamais d'erreur, cela suppose que le patient divague sans motif apparent. La famille de Jean savait que s'il disait avoir mal alors sa souffrance était réelle car il n'a jamais sourcillé après avoir subi une intervention chirurgicale lors de la pose de son défibrillateur.

Dans son lit d'hôpital Jean souffrait anormalement mais il ignorait que le chirurgien lui avait perforé à deux reprises l'intestin grêle. Le risque de septicémie était imminent. C'est grâce à la pugnacité de sa femme, Annick, qui poussa l'équipe médicale à reconsidérer l'état de Jean, que ces vaines plaintes ont été prises en considération. Ce patient n'était finalement pas si douillet que ça ! Il hurlait simplement depuis des heures qu'il était entrain de mourir à petit feu de l'intérieur.

32 heures après sa sortie du bloc pour son appendicectomie, Jean est réopéré. Il subit cette fois-ci une résection de l'intestin grêle (ablation partielle) avec la pose d'une stomie. Il est immédiatement plongé dans un coma artificiel dont il ne sortit que 22 jours plus tard. Il passa au total 3 mois dans le service de réanimation à l'hôpital de Montfermeil. Puis 3 mois en rééducation nutritionnelle à l'hôpital de Forcilles. Tout d'abord nourri par voie parentérale puis en mixé afin de retrouver progressivement l'envie et la capacité de se nourrir normalement. Sans compter la rééducation fonctionnelle qui fut l'étape la plus longue.


Le « coma artificiel » une expression qui cache toute l'horreur d'une famille qui voit l'un de ses intimes plongé dans un sommeil profond. Vous ne dormez plus car vous êtes terrifié par l'épreuve que vous traversez pendant que lui semble dormir paisiblement. On vous dit que c'est bientôt fini, on l'enterre avant même son dernier souffle mais vous êtes toujours là, tenace, car il a besoin de vous, d'espoir et d'amour. Le service de réanimation a été plus que pessimiste concernant le devenir de Jean mais cet homme d'une rare robustesse s'est réveillé. Les médecins avaient là un énorme problème car ce patient gênant était revenu de l'enfer. Tout cela pour une banale appendicectomie. La famille était dans une colère noire car personne ne voulait reconnaître explicitement la responsabilité de quoi que ce soit. Une vie entière interrompu pendant 6 mois plus une période de convalescence, tout cela par malchance ou des « peut-être » ! Ces scientifiques dont la formation est basée sur la rigueur, les certitudes et la raison, semblaient avoir perdu toute contenance face à aux erreurs manifestes de leurs collègues. Mais l'intérêt de leur institution passait avant la vie d'un patient, une réalité glaçante mais véridique.

Jean a dû accepter son état, ses mutilations corporelles, et accepter l'erreur qui bouleversa les dernières années de sa vie, chamboulant ses projets. Cela faisait énormément à digérer pour une simple appendicite. Tout cela pour, finalement, revenir au sein de l'hôpital qui vous a massacré pour y subir une opération dite de « continuité » par un confrère du docteur P., le chef de service Alcide Thognon. Depuis lors Jean a subi de multiples examens et même une hospitalisation en réanimation durant l'année 2017 pour une occlusion intestinale aiguë sur colite sigmoïdienne (colon).

Interview de Jean et Annick

Élodie Soulié, une journaliste du Parisien, s'est entretenue à deux reprises avec Jean et Annick, respectivement les 23 juin 2011 et 8 février 2012. Le directeur de l'hôpital de Montfermeil, Jean-Louis Feutrie, avait déclaré que « les incidents médicaux sont fréquents ». Il regrettait également que le docteur P. n'ait pas reçu Jean et sa femme afin de leur « expliquer les choses ». En effet, le docteur P. s'est montré peu soucieux du devenir de son patient, il n'a manifesté aucune empathie à son égard. Peu après le docteur P. fut promu au poste de chef de service viscérale, vasculaire et urologique, à la place du docteur Alcide Thognon. Celui-là même qui prit la responsabilité d'opérer Jean en effectuant la « continuité » afin de rétablir le circuit digestif. Le docteur Alcide Thognon a quitté l'hôpital de Montfermeil au début de l'année 2013. Son départ a été jugé « inopiné » et « prématuré » par l'association CHOCS9CUBE. Il exerçait ses fonctions de chef de service depuis le départ à la retraite du docteur Régine Richer. Dorénavant le docteur Thognon exerce ses talents en tant que praticien, et non plus chef de service, au sein du Centre hospitalier de Gonesse. Concernant le docteur P. sa promotion est une hérésie, plus encore après avoir été mis en examen.



Voici une courte description de la vie d'un homme d'origine portugaise, celle d'un travailleur forcené arrivé à l'âge de 14 ans en France. Jean a suivi une formation de carreleur puis il a travaillé et développé tous les arts et métiers dans le domaine du bâtiment. Concevoir sur plan puis ériger de ses mains ce qu'il désire était son métier. La suite n'est que le fruit de son travail car lorsque vous avez du talent alors la clientèle huppée frappe à votre porte pour réclamer vos services comme le richissime Jean-Pierre Willot ou la famille Rothschild, et de nombreuses personnalités du show-biz. Après cinquante années de labeur, Jean n'a eu à sa connaissance aucun de ces ouvrages qui se sont écroulés sur la tête de ses anciens clients. Puisse le docteur P. en faire autant avec la vie de ses patients.


Frank D.

120 minutes : "On estime à 450.000 le nombre d’erreurs médicales en France par an", Vincent Vantighem, 16 décembre 2014.
2Le Parisien : Erreurs médicales : à quand une vraie transparence ? Elsa Mari, 23 novembre 2017.
3Le Monde : Le nombre de morts sur les routes en France augmente pour la troisième année consécutive, Rafaële Rivais, 23 janvier 2017.
4Le Monde : Six chiffres-clés pour comprendre le suicide en France, Alexandre Pouchard, 9 février 2016.
520 minutes : Elle ''accouche'' d'un gant et de compresses oubliés par un chirurgien, Adrien Max, 23 janvier 2018.
6La Voix du Nord : Le témoignage de Sylvie, brisée par une erreur médicale : ''C'est tombé sur moi'', 26 juillet 2015.
7Le Parisien : Il vit durant 7 ans avec un tuyau oublié dans le ventre, Elsa Mari, 30 juin 2017.
8Ouest-France : Erreur médicale. Il passe 7 ans avec un tuyau oublié dans le ventre, 30 juin 2017.
9Le Parisien : Seine-Saint-Denis : l'hôpital et deux médecins au tribunal après la mort d'une maman, Carole Sterlé, 19 mai 2017.
Le Point : Une anesthésiste condamnée après la mort d'une femme en couches, AFP, 30 juin 2017.
10Le rapport Evin (2001) préconisait la mise en place du principe d'indemnisation pour les aléas thérapeutiques. L'ONIAM a été le fruit de ces travaux.

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