Les chantiers de l'atlantique (STX France)
La France et son potentiel maritime,
quasiment cernée par les eaux, une situation géographique qui a
poussé l'industrie de Saint-Nazaire à se développer dans le
domaine de la construction navale. Jusqu'alors la Corée du Sud
gérait les chantiers de l'atlantique à travers le Groupe System
Technology Excellence (STX), la maison mère de STX OFFSHORE &
SHIPBUILDING. Mais suite à des difficultés financières la holding
des chantiers de constructions navals européens n'a eu d'autres
choix que de procéder à la vente. Un accord de principe a été
conclu au mois d'avril 2017 pour la reprise de STX FRANCE
Saint-Nazaire par l'italien FINCANTIERI. La signature fut effectuée
le 19 mai suivant.
Cette
entente a été remise en cause par le Président MACRON, le 31 mai
2017, lors de son déplacement au chantier naval de Loire-Atlantique.
A cette occasion il s'est adressé aux médias lors d'un énième
exercice
de communication, incluant vaine promesse et maladresse, le tout
enrobé de démagogie.
Ainsi,
lors de l'inauguration du navire de croisière MSC Meraviglia, la
« Merveille »,
le Président MACRON en a profité pour manifester son désir de
renégocier l'accord conclu entre les chantiers de l'atlantique et le
voisin italien FINCANTIERI. Son discours débutait par un rapide clin
d’œil au Premier ministre Édouard Philippe, ancien maire du
Havre. Puis le président MACRON s'attarda sur la raison de sa
venue, la célébration du paquebot Meraviglia qu'il qualifia de
« réalisation
majeure dans l'histoire de la navigation commerciale, et merci à
MSC, et à cet égard de sa confiance, et de sa confiance aujourd'hui
réaffirmée. C'est le plus grand
paquebot jamais réalisé
en Europe, c'est une prouesse
technique, une prouesse humaine. Et, vous l'avez fait ».
Moment
vibrant de démagogie pour les salariés de STX FRANCE. Cependant, il
semblerait que le Président connaisse mieux les « kwassa-kwassa »
que les navires de croisières. En effet, la société MSC CROISIERES
possède quatre différentes classes de paquebot, la classe Fantasia
est celle alignant les plus
longs
navires et la nouvelle classe baptisée Meraviglia étrenne les plus
gros
paquebots. A titre de comparaison, le MSC Fantasia atteint 333 mètres
de long contre 315 mètres pour le MSC Meraviglia. Il n'est donc pas
« le plus
grand paquebot jamais réalisé
en Europe »
mais il est le
plus gros
paquebot d'Europe en 2017.
Le
plus grand paquebot jamais réalisé en Europe est l'Harmony
of the Seas
de la compagnie américaine ROYAL CARIBBEAN CRUISE LINE (RCCL),
atteignant les 362 mètres de long et pouvant accueillir plus de
8.500 personnes à son bord, lui aussi fabriqué à Saint-Nazaire
entre 2013 et 2016.
Notons
qu'avant de s'engager comme secrétaire général de l’Élysée
auprès du Président MACRON, Alexis KOHLER (ENA), ancien directeur
de cabinet d'Emmanuel MACRON au ministère de l'économie, avait été
recruté comme directeur financier de MSC CROISIERES en septembre
2016. La marraine de la compagnie de croisières est une beauté
italienne de 81 ans, égérie de DOLCE & GABBANA, Sophia LOREN,
elle a inauguré tous les paquebots de la flotte MSC CROISIERES. Elle
était donc également présente aux cotés du chanteur Patrick BRUEL
et du comique Gad ELMALEH pour le baptême du MSC Meraviglia dans le
port du Havre, le 3 juin.
Depuis 150 ans, le chantier naval de
l'atlantique est l'un des fleurons de l'industrie française. Dans
les cales du chantier de Saint-Nazaire ont été fabriqué plus de
150 paquebots dont les célèbres : Normandie, Le France, le
Queen Mary 2 et le plus grand paquebot au monde, l'Harmony of the
Seas. Les chantiers de Saint-Nazaire ont une valeur estimée entre
200 et 300 millions d'euros or le rachat par FINCANTIERI a seulement
rapporté 80 millions d'euros au créancier du Groupe STX.
Les
problèmes que traversaient le coréen STX étaient connus depuis le
mois d'avril 2013, déjà à cette époque la maison mère végétait
sous la bienveillance de leur principal créancier, la banque
publique sud-coréenne KOREA DEVELOPMENT BANK (KDB). A la fin de
l'année 2013, une analyse interne avait conclu qu'une vente des
sites localisés en Europe, France et Finlande, solutionnerait les
problèmes de liquidités. Mais selon les diverses déclarations
d'Emmanuel MACRON, il ignorait tous ces éléments contrairement au
sénateur de Loire-Atlantique, Yannick VAUGRENARD. Ce dernier avait
d'ailleurs adressé une lettre au Premier ministre Jean-Marc
AYRAULT, dès le 10 octobre 2013, dans laquelle il exprimait
clairement son inquiétude concernant les chantiers navals de
Saint-Nazaire. Il rappelait qu'en
« avril
dernier, des hypothèses allant en ce sens ont déjà été évoquées
suite à l’annonce des dettes colossales de STX Corée. Ma crainte
est aujourd’hui la même qu’hier, à savoir que la vente
d’actions STX ait lieu sans surveillance suffisante de la part de
la France, et qu’une participation nouvelle dans le capital mette à
mal le chantier nazairien. Ceci pourrait être en effet le cas si
entrait notamment dans le capital, un actionnaire européen
concurrentiel en termes de construction de navire de croisière ».
Il
appuyait fermement sa demande pour que « notre pays
surveille les opérations de vente comme le 'lait sur le feu'' ».
De fait, le Premier ministre était forcément informé de la
situation relative à STX, à l'instar du Président HOLLANDE et
d'Emmanuel MACRON.
Les tergiversations de Macron
Finalement
ce n'est qu'au mois de juin 2017 que les préoccupations du Président
MACRON sont clairement apparues pour les chantiers de l'atlantique.
Serait-ce l'emprise du microphone qui le pousse à déclarer des
choses pareilles ou est-ce une réalité ? Dorénavant il veut
renégocier l'accord prévu avec le partenaire italien alors
qu'auparavant il s'était montré indifférent, et ceci malgré
diverses alertes dans les médias ou celles énoncées par deux
sénateurs en LOIRE-ATLANTIQUE, Yannick VAUGRENARD ou Joël GUERRIAU.
Le 14 octobre 2016, lors d'une séance au Parlement sur « les
questions des sénateurs au Gouvernement »,
le sénateur de LOIRE-ATLANTIQUE, Joël GUERRIAU, interrogeait le
représentant du ministère de l'économie, Christophe SIRUGUE, au
sujet des chantiers de l'atlantique. Tout d'abord Joël GUERRIAU nous
livre son sentiment sur la situation :
« Le
gouvernement Fillon a montré en 2008 qu'il pouvait agir vite par la
prise de participation de 33 % de STX France. En 2014, le groupe
sud-coréen souhaitait et pouvait vendre ses actions. La situation
actuelle était donc prévisible et aurait pu être anticipée.
L'a-t-elle été vraiment, alors que l'État avait de belles cartes à
jouer » ?
Puis,
Joël GUERRIAU achevait son intervention par la question suivante :
« Comment
l’État va garantir sur le long-terme le maintien à Saint-Nazaire
d'un savoir-faire non transférable » ?
Christophe
SIRUGUE privilégiait la reprise de STX par un investisseur sérieux
et ajoutait que
« nous
ne disposons d'aucun élément indiquant une vente en bloc de
l'ensemble des activités du groupe. La décision sera probablement
annoncée demain. Aujourd'hui, rien ne nous permet de confirmer la
vente de STX France, comme nous l'imaginons, ou celle de
l'ensemble du groupe ».
Pourtant
nous avions deux points de comparaison, le précédent rachat de STX
Lorient qui avait déjà eu lieu au mois de mai 2016, soit 5 mois
auparavant, et celui plus éloigné de STX Finlande en 2014. Il eut
été étonnant que la transaction se déroule différemment avec
Saint-Nazaire. La réplique de Joël GUERRIAU a été courte mais
incisive :
« Nous
sommes tous unanimes pour souligner l'importance stratégique des
Chantiers de l'Atlantique au plan national. Ce qui me gêne, c'est
que, en 2013, dans cet hémicycle, j'ai posé une question sur
l'incertitude que faisait peser l'actionnaire principal, STX, sur les
Chantiers de l'Atlantique. Nous savions sa fragilité, nous pouvions
anticiper pour éviter de nous retrouver dans la situation que
connaissons aujourd'hui. Nous avons le sentiment d'une certaine
précipitation, comme si nous étions au pied du mur ».
Nous
avons également le sentiment d'un manque réel d'intérêts quant à
la préservation des intérêts français. Paradoxalement, le STX
Lorient a été racheté par un consortium français, KERSHIP, avec
un investissement de l'état via DCNS.
Durant
le grand débat télévisé des présidentielles 2017, opposant
Marine LE PEN au futur président, nous avons pu être les témoins
d'un bref échange sur les chantiers de l'atlantique. La candidate du
FN déclarait à MACRON : « vous
les avez vendu aux italiens »,
ce à quoi il répondait « non
ils n'ont pas été vendu aux italiens », enfonçant le clou
une autre fois « non ils n'ont pas été vendu à qui que ce
soit ».1
Or,
le
3 janvier 2017,
l'entreprise FINCANTIERI
annonçait officiellement avoir reçu un courrier de SAMIL
PRICEWATERHOUSECOOPERS,
désigné par STX EUROPE pour procéder à la gestion de la vente,
les informant que leur offre d'achat avait été sélectionnée.
Faisant suite à une décision du tribunal de
commerce du district central de Séoul après le placement en
redressement judiciaire de la holding STX Offshore and Shipbuilding
en juin 2016. Finalement, FINCANTIERI entrait en négociation
exclusive pour le rachat des chantiers de l'atlantique. Le candidat
du parti En Marche ignorait-il ces
informations remontant à 4 mois auparavant ? Le projet pour la
revente de STX EUROPE n'était-il pas connu depuis la fin de l'année
2013 suite à une note interne ?
La transaction
Le
22 mai 2014, KDB formalisait son intention de céder les chantiers
STX FRANCE (Lorient et Saint-Nazaire) et STX FINLAND (Turku), une
information relayée par la presse spécialisée. Rappelons que le
chantier de Lorient a été racheté en mai 2016 par KERSHIP après
deux années de suspense. Celui de Turku a été cédé à l'allemand
MEYER WERFT fin 2014, et finalement les chantiers de l'atlantique en
avril 2017. L'accord initial prévoyait de limiter l'investissement
de FINCANTIERI pendant huit ans, juste en dessous de la majorité,
répartissant les parts entre quatre actionnaire de la manière
suivante :
- 48,7% FINCANTIERI
- 33,3% Etat français
- 12% DCNS (entreprise du secteur de la défense détenu à 62,49% par l’État français)
- 6% FONDAZIONE CASSA DI RISPARMIO DI TRIESTE (banque privée italienne)
Il
a aussi été accordé à FINCANTIERI la présence d'un investisseur
« indépendant », une petite fenêtre ouverte
permettant finalement à l'Italie d'obtenir la majorité au sein des
chantiers de l'atlantique avec 54,7% de l'actionnariat via un autre
partenaire italien. Ainsi l'objectif du Président MACRON
nouvellement élu serait de faire entrer MSC CROISIERES au capital de
STX pour modifier le rapport de force, au désavantage de la France
avec seulement 45,3% des parts.
Cette
option avait déjà été envisagée...par le sénateur Yannick
VAUGRENARD durant une commission sénatoriale relative aux affaires
économiques. Le renouveau disait le mouvement En Marche !,
plutôt du recyclage visiblement destiné à faire de la
communication. Trois options de revente étaient alors évoqués :
- Un consortium composé par Damen Shipyards Group, une entreprise néerlandaise qui construit des ferries de petit tonnage et des bâtiments militaires, et MSC CROISIERES + ROYAL CARIBBEAN CRUISE LINE (RCCL) + DCNS.
- L'italien FINCANTIERI.
- Un constructeur chinois Genting Hong Kong.
Cela
faisait trois ans que les coréens avaient annoncé leur plan de
restructuration en Europe, comment MACRON pouvait-il l'ignorer ?
Il était accompagné de Laurent CASTAING, Pdg de STX France, et de
Gianluigi APONTE, le Pdg de MSC CROISIERES lorsqu'il déclarait
vouloir renégocier l'accord initial le 31 mai 2017. Quelle perte de
crédibilité, qui voudrait négocier à l'avenir avec des personnes
qui se rétractent après avoir donné leur aval, prétextant avoir
été lésé ? Un comble... La signature de l'accord a eu lieu
le 19 mai 2017, le Président MACRON n'était pas intervenu. L'avenir
nous dira si les propos du Président étaient de la pure démagogie
ou non car il « souhaite que les équilibres de principe
trouvés en avril 2017 puissent être revus », il en avait
également informé le président du Conseil italien, Paolo
GENTILONI. Nos voisins italiens ont été surpris de ce brusque
changement de position d'autant plus qu'il s'agirait d'intégrer MSC
CROISIERES, pour qui a travaillé Alexis KOHLER avant de rejoindre le
Président MACRON.
Sources :
Question
d'actualité au gouvernement n° 0246G de M. Yannick Vaugrenard
(Loire-Atlantique - SOC) publiée dans le JO Sénat du 01/11/2013 -
page 10832.
Question
d'actualité au gouvernement n° 0983G de M. Joël Guerriau
(Loire-Atlantique - UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 14/10/2016
- page 14987.
Sénat :
COMPTES RENDUS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, Avenir des
chantiers navals STX France (ex-Chantiers de l'Atlantique) -
Communication de M. Yannick Vaugrenard, mercredi 12 octobre 2016.
Frank
D.
1*(7min40
temps de parole affiché pour MACRON)
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