Le CLUB MEDITERRANEE à l'heure chinoise
Au mois de janvier 2015, l'Autorité
des Marchés Financiers (AMF) validait l'offre publique d'achat (OPA)
par le duo franco-chinois, FOSUN associé au français ARDIAN
(ex AXA PRIVATE EQUITY)
pour l'acquisition de l'ensemble des titres du CLUB MED.
Ce
fut un véritable bras de fer que se livrèrent la Chine et l'Italie,
parsemé d'offres et de contre offres multiples, et qui aura duré
deux longues années. Finalement la concrétisation de cette
opération boursière a permis une valorisation remarquable du CLUB
MED à hauteur de 939 millions d'euros alors que la première OPA
s'élevait à 557 millions d'euros. Les plus grands victorieux de
cette transaction furent les spéculateurs ralliés aux cotés de
Andrea Bonomi, l'homme à l'origine de l'OPA jugée « hostile »
par Henri Giscard d'Estaing, le Pdg du CLUB MED.
Le
30 mai 2013 FOSUN
annonçait une OPA
« amicale »
pour le prix de 17 euros par action, rapidement revue à la hausse le
26 juin pour le montant de 17,50
euros par action.
Dans la foulée, le 15 juillet, l'AMF donnait le feu vert pour le
rachat du CLUB MED
par le chinois FOSUN.
L'affaire semblait se conclure mais, premier couac, plusieurs
actionnaires minoritaires ont alors déposé deux recours auprès de
la cour d'appel de Paris contestant l'équité de cette OPA. Cette
procédure a entraîné un blocage pendant plus d'un an pour
finalement aboutir au rejet de ces deux requêtes le 29 avril 2014.
La lenteur de la justice a contribué à faire de cette transaction
la plus longue opération boursière de l'histoire française.
Le
premier recours fut déposé par Colette Neuville, la présidente de
l'Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM) et le
second par le fonds Charity & Investment Merger Arbitrage Fund
(CIAM). Tous deux jugèrent l'offre de FOSUN/ARDIAN trop insuffisante
et ils estimèrent que l'expert engagé dans la négociation en tant
que conseiller était en conflit d'intérêts car il était proche du
duo franco-chinois. Au sujet de l'OPA, Colette Neuville confiait :
«Si l’offre initiale
avait été de 20 euros, nous n’aurions pas saisi la justice et
Andrea Bonomi ne se serait sans doute pas engagé dans une
surenchère». Il
apparaît qu'une manœuvre a été mise en place afin de booster le
cours de l'action CLUB
MED qui plafonnait à
13
euros en 2013. Autant dire que l'offre de FOSUN/ARDIAN (17,50 euros),
sans être mirifique, était plus que raisonnable malgré les
critiques exprimées par l'ADAM et le fonds CIAM.
L'expert
indépendant fut désigné par le CLUB
MED
le 29 mai 2013, il s'agissait de la société ACCURACY
ayant exercé quelques missions pour le compte de AXA
PRIVATE EQUITY,
devenue ARDIAN.
Cette mission a été réalisé par Bruno Husson en collaboration
avec Henri Philippe, et Christophe Schmit qui assurait le contrôle
de la qualité des travaux de ses deux associés.
La
déclaration d'indépendance de la société ACCURACY
est basée sur l'activité des 29 derniers mois (2011, 2012 et début
2013), période durant laquelle l'entreprise a réalisé plus de
1.200 missions pour un chiffre d'affaires de 100 million d'euros. Il
est ensuite notifié que la société ACCURACY
a réalisé trois missions pour le compte d'ARDIAN,
représentant 0,9% du chiffres d'affaires réalisés en France sur
cette période. De plus, « les
deux associés signataires de la présente attestation d’équité
n’ont participé à aucune des missions susmentionnées ».
Autant dire que les arguments évoqués lors des recours devant la
cour d'appel de Paris étaient pour le moins ténus.
L'ADAM
et le fonds CIAM avaient exprimé leur suspicion vis-à-vis d'un
conflit d'intérêts entre le CLUB MED, ARDIAN
et ACCURACY. Cependant, aucune remarque n'a été notifiée
concernant Jean-Pierre Jouyet, l'époux de Brigitte Taittinger dont
la cousine, Anne-Claire, siégea au conseil d'administration du CLUB
MED. Jusqu'en 2014 Anne-Claire Taittinger a été l'épouse de
Jean-Claude Meyer, ce dernier contribua à mettre sur pied la banque
ROTHSCHILD&Cie aux cotés de David et Edouard de
Rothschild dans les années 80's. Côté CLUB MED, le
conseiller financier était représenté par Grégoire Chertok de
chez ROTHSCHILD&Cie. Cela n'a pas semblé déranger
Colette Neuville de voir ROTHSHILD&Cie, conseiller
financier du CLUB MED et
Anne-Claire Taittinger promouvoir
l'offre de FOSUN. Pourtant Anne-Claire Taittinger, ex-femme de
Jean-Claude Meyer, banquier chez ROTHSCHILD&Cie,
et cousine de la femme de Jean-Pierre Jouyet, siégea au conseil
d'administration du CLUB
MED.
Rebondissement
Finalement,
après le rejet des deux recours judiciaires, l'affaire allait
pouvoir se conclure semblait t-il ? Mais c'était sans compter
un dernier rebondissement avec l'arrivée d'une offre concurrente de
GLOBAL RESORTS en la personne de Andrea Bonomi. L'AMF
avait initialement fixé une date de clôture pour la formulation
d'une offre concurrente au 23 mai 2104, puis avait repoussé
l'échéance jusqu'au 30 juin 2014.
Ainsi
Andrea Bonomi a pu transmettre une OPA à l'AMF d'une valeur de 21
euros par action, soit une proposition supérieure de 22% à celle du
concurrent chinois. S'en suivit alors une véritable guerre de
portefeuilles entre les potentiels acteurs pour le rachat du CLUB
MED :
- Le 12 septembre 2014, FOSUN 22€ par action.
- Le 11 novembre 2014, GLOBAL RESORTS 23€ par action (acquisition de 2 164 242 actions).
- Le 1 décembre 2014, FOSUN 23,50€ par action.
- Le 5 décembre 2014, GLOBAL RESORTS 24€ par action.
- Le 19 décembre 2014, FOSUN 24,60€ par action.
Andrea
Bonomi abandonna la partie après cette dernière contre-offre de
FOSUN, non sans avoir réalisé d'importants bénéfices,
environ 3.5 millions d'euros pour les actions acquises le 11 novembre
2014. De plus, la valorisation du CLUB MED a été plus que
satisfaisante, 13 euros l'action avant la cessation des parts, elle
atteignit 24,60 euros l'unité. Entre la première et la dernière
OPA de FOSUN, la plus-value s'éleva à 400 millions d'euros,
soit une augmentation de 45% du prix unitaire de l'action. Nous
avions largement dépassé les prévisions des divers analystes
financiers.
Andrea
Bonomi a été assisté par le banquier Matthieu Pigasse, directeur
général délégué chez LAZARD FRERES, et par le
vice-président d'HAVAS, Stéphane Fouks. Dans le cadre de
cette opération qui a généré une forte spéculation boursière
suite aux diverses OPA's, Fouks et Pigasse ont été jusqu'à
rappeler Serge Trigano, un ancien fondateur et dirigeant du CLUB
MED, pour l'inclure dans la négociation. Un poste de président
non exécutif lui avait été promis en cas de victoire de l'italien
Bonomi. Cette rencontre organisée à Paris au début de l'été 2014
par Pigasse et Fouks. Cette vaine manœuvre a eu pour seul effet
d'agacer terriblement Henri Giscard d'Estaing.
Le
Pdg du CLUB MED, Henri Giscard d'Estaing, a été très
satisfait de pouvoir se débarrasser de l'actionnaire Andrea Bonomi.
Ces deux hommes avaient de nettes divergences quant à la gestion du
prestataire des villages vacances. Andrea Bonomi critiquait la faible
présence en Europe du CLUB MED et sa montée en gamme,
négligeant la clientèle moins huppée. Tandis que le rachat par le
chinois FOSUN ouvrait des perspectives nouvelles pour
développer l'activité touristique en Chine. Henri Giscard d'Estaing
déclara :
« Nous
avons la chance de bénéficier de l’actionnariat engagé et de
long terme de Fosun et de ses partenaires pour accélérer le
développement dans les pays à forte croissance, dont la Chine,
premier marché touristique au monde. Mais aussi pour continuer à
gagner des parts de marché en France et en Europe ».
Henri
Giscard d'Estaing était déterminé à éliminer le camp Bonomi. Il
s'était notamment entretenu avec le ministre des Affaires
étrangères, Laurent Fabius, mettant en exergue que le CLUB MED
incarnait le rayonnement français à l'étranger. Il échangea aussi
avec Fleur Pellerin, secrétaire d’État en charge du tourisme, et
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Élysée et
ex-patron de la Caisse des dépôts et consignations, également un
actionnaire historique du CLUB MED. Les salariés du CLUB
MED soutenaient également le projet de FOSUN/ARDIAN qui
permettait de maintenir l'ancrage de la société en France tout en
se développant sur le continent asiatique.
Epilogue
Tous
ces protagonistes militèrent pour un rachat franco-chinois du CLUB
MED alors qu'en coulisse certains travaillaient pour faire monter
les enchères. Rappelons que la première offre fut jugée nettement
insuffisante par les actionnaires minoritaires, ce qui en avait
conduit certains à mener une action en justice. Cependant cette OPA
était bien supérieure aux analyses les plus optimistes comme nous
avons pu le voir. Ainsi Andrea Bonomi joua les troubles fêtes
permettant au CLUB MED de bénéficier d'une valorisation de
69% par rapport à l'offre initiale. Rappelons que la valeur du CLUB
MED s'élevait à plus de 900 millions d'euros à la fin de la
transaction alors que les spécialistes les plus optimistes l'avait
estimé à 400 millions.
En
effet, en 2006, le CLUB
MED a fait appel au
cabinet BRAND FINANCE,
chargé de procéder à une évaluation de la marque. « Le
cabinet avait alors évalué la marque à 435 millions d'euros. Si le
résultat de ces travaux d’évaluation appelle de nombreux
commentaires (prise en compte d’une durée de vie perpétuelle,
évaluation pré-crise, taux d’actualisation optimiste, etc.), une
évaluation raisonnable de la marque fait ressortir une fourchette
d’estimations comprises en 180 et 235 millions d'euros pré-crise
2008 ».
Considérant ces données, l'OPA de FOSUN
était supérieure aux diverses évaluations de la marque, même pour
les plus optimistes. Enfin il
existait « un
relatif consensus (un analyste fait exception) sur un prix cible
entre 15,0€ et 18,6€, soit un niveau nettement supérieur au
cours de l’action sur les douze derniers mois ». Sur
les neufs analystes cités par le rapport ACCURACY,
six d'entre eux recommandaient l’achat du titre. Là encore nous
sommes loin du montant de 20 euros par action préconisé par Colette
Neuville. De plus, si nous prenons en considération cette fourchette
de prix située entre 15 et 18,6 euros, nous obtenons une moyenne de
16,8 euros par action. En conséquence, l'OPA initiale de FOSUN au
prix de 17,5 euros par action se révélait toujours au-dessus de
celle présentée par ces différents analystes financiers.
Sources :
La
première source est un document de 92 pages, incluant le rapport
d'équité d'ACCURACY de 58 pages, l'essentiel est contenu dans cette
note d'information du CLUB MED ci-dessous.
CLUB
MED : Note d'information incluant le rapport du cabinet
d'expertise ACCURACY, pages 12, 19 et 33 du rapport ACCURACY, juillet
2013.
Sources
secondaires
AMF :
Décision de conformité du projet d'offre publique d'achat visant
les titres de la société, 16 juillet 2013.
Capital :
« Deux recours en justice contre l'OPA sur le Club Med »,
Cyril ALTMEYER et Matthieu PROTARD, 25 juillet 2013.
Reuters :
« La justice rejette les recours contre l'OPA sur le Club
Med », Dominique VIDALON et Matthieu PROTARD, 29 avril
2014.
BFMBusiness :
« Club Med: qui est Andrea Bonomi, l'homme qui malmène
l'OPA? », Vincent GIRALDO, 23 mai 2014.
Challenges :
« Club Med: l'Italien Andrea Bonomi se décide à lancer une
contre-OPA », 27 juin 2014.
Le
Figaro : « La bataille pour le contrôle du groupe de
tourisme est lancée », Bertille BAYART, 29 juin 2014.
JDD :
Trigano interview
: "Nous allons à nouveau faire du Club une marque cool et
attractive", Bruna BASINI, 20 juillet 2014.
CLUB
MED : Communiqué de presse, résultats annuel 2014, page 7, 28
novembre 2014.
Challenges :
« La bataille pour Club Med continue avec une nouvelle
surenchère de l'Italien Andrea Bonomi », 05 décembre
2014.
L'AGEFI :
« L'OPA sur le CLUB MED met en lumière le rôle de
l'expertise indépendante », Bruno de ROULHAC, 16 janvier
2015.
Reuters :
« Club Med-L'AMF se réunit jeudi sur Fosun, feu vert
attendu », Matthieu PROTARD, 21 janvier 2015.
Capital :
« Club Med-L'AMF se réunit jeudi sur Fosun, feu vert
attendu », Matthieu PROTARD, 22 janvier 2015.
Le
Parisien : « FOSUN va retirer CLUB MED de la cote après
le succès de son OPA », 10 mars 2015.
CLUB
MED : « Succès de l'offre publique d'achat de GAILLON
INVEST II », 10 mars 2015.
Frank D.
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