L’École en bateau, un cercle de pédophiles




Le projet associatif de L’École en bateau a bénéficié d'une singulière longévité puisque cette expérience s'est étalée sur une période de 33 années. Entre 1969 et 2002 l'association fondée par le psychothérapeute Leonid Kameneff, sur le principe d'une école alternative, a pris en charge 400 garçons et 60 filles âgés de 9 à 16 ans. La durée moyenne de cette aventure était d'environ une année durant laquelle les enfants n'avaient aucun contact avec leur parent. Ce périple sur les traces de Christophe Colomb se déroulait à bord d'un voilier, l'association en possédait trois : le Karrek Ven, le Paladin et le Bilbo. Certains enfants sont restés pendant 5 ans à voguer en mer aux côtés de la bande à Kameneff. Ainsi les parents de ces enfants ont aveuglément eu confiance en de vulgaires étrangers, au point de confier leurs enfants à ces pédophiles pendant une année entière. Était-ce le contexte de l'époque qui avait ôté tout sens des responsabilités aux adultes ?


L'objectif officiel de L’École en bateau était de naviguer à travers le monde afin que les petits moussaillons fassent l'acquisition de leur autonomie, tout en apprenant à vivre en collectivité avec des adultes. L'école de la vie en somme. Officieusement il a été démontré lors de l'investigation, notamment par Alain Capron, un officier de la brigade des mineurs, que L’École en bateau était « un cercle » réservé aux adultes pédophiles.1 La sexualité n'était pas tabou car elle était même encouragée. L'équipage vivait le plus clair de leur temps, nu, travaillant à diverses tâches comme astiquer le mat ou cirer le pont. Les parents versaient à l'association une contrepartie financière équivalente aux dépenses annuelles de leur enfant. En plus d'avoir pu laisser libre cours à leurs déviances sexuelles, exhibitionnisme, voyeurisme, homosexualité ou pédophilie, les membres de l'association se sont certainement enrichis. A raison de 3.000 euros le séjour annuel, multiplié par 460 enfants, dont certains restaient plus d'une année, nous arrivons déjà au montant de 1.380.000 euros.


En réalité le pervers Leonid Kameneff avait réussi une prouesse en créant une activité afin d'assouvir ses pulsions libidinales quotidiennes et déjà anciennes. En effet, l'une des premières victimes de Leonid Kameneff s'est manifestée lors du procès de L’École bateau, dénonçant des abus sexuels remontant aux années 1960, avant même la création de l'association. A l'époque il n'était encore que psychothérapeute à Toulon et aucune plainte n'avait été déposée.2 Cette tendance est confirmée par l'un de ses associés puisque Bernard Poggi a été victime de Leonid Kameneff alors qu'il était âgé de 12 ans. Cette ancienne victime était devenu bourreau, un classique dans ce milieu.



Le documentaire des victimes

En 2013, lors du procès de L’École en bateau, l'une des victimes, Laurent Esnault, a réalisé un documentaire intitulé « L’École en bateau, l'enfance sabordée ». Outre les abus sexuels, ces victimes de pédophilie nous rappellent également l'importance du conditionnement psychologique dont ils ont été la cible, seul, isolé du monde extérieur. Des histoires autour de la Grèce antique, des critiques contre la société, toujours les mêmes rengaines usitées pour manipuler l'enfant, et finalement l'amener progressivement à découvrir un nouveau monde, celui de la sexualité. Cela commençait très souvent par des massages autrement dit des attouchements selon les divers témoignages. D'ailleurs le documentaire nous informe que Leonid Kameneff avait mis en place des tests de pré-sélection afin de ne pas commettre d'erreurs de casting avant de partir en mer. L'épreuve du sauna nu et la séance de massage nu avec un adulte étaient les deux étapes à réussir, si les enfants se montraient coopératifs alors ils étaient choisis pour participer à l'aventure.3



Promotion médiatique

L'auto promotion de l'aventure s'effectuait par le biais d'une revue bilingue intitulée « Le petit voyage », conçue par les petits matelots et leur capitaine. Rien de compromettant, c'était la vitrine de l'association. Et enfin le chef d'oeuvre littéraire de Leonid Kameneff, à l'instar de Claude Sigala, dans lequel il prône la sexualité entre adultes et enfants : « Écoliers sans tablier » publié en 1979. Le fondateur du Coral, Claude Sigala, connaissait Leonid Kameneff comme je l'ai démontré précédemment dans un article évoquant l'affaire du Coral en 1982.



Nous retrouvons le nom de Leonid Kameneff sur la liste des 13 mentionné par Jean-Claude Krief. Il était donc déjà connu des services de police français en 1982 comme son compère Claude Sigala. Ces deux pédophiles condamnés, Claude Sigala et Leonid Kameneff, ont contribué au numéro 9 de la revue Possible, un relais de diffusion du Coral. Enfin le nom de l'association L’École en bateau figure dans « Visiblement je vous aime ! », livre écrit par Claude Sigala et publié en 1980.



Les aventures de Leonid Kameneff étaient également suivies par le PAN magazine.4 Les activités de Leonid Kameneff étaient au moins connues du milieu pédophile dès 1979 puisque le PAN magazine était une plaque tournante pour la diffusion d'informations pédophiles. En 1981, l'expérience de L’École en bateau bénéficia d'une publicité sans conteste via l'émission Thalassa : le magazine de la mer, qui présenta un dossier sur « l'école sans tablier », diffusé le 29 mai 1981 sur FR3. Nul doute que cette publicité convainquit un certain nombre de parents à confier leurs enfants à ces pervers dépeints comme de grands aventuriers avec une vision de l'éducation révolutionnaire. Enfin, en 1995, un autre documentaire réalisé par Bernard Poggi et intitulé « Western Lights, in the wake of Christopher Columbus », était diffusé à la télévision française. La version DvD est sortie en 2006.5




Les aveux de Fabien

Fabien est l'une des nombreuses victimes de Leonid Kameneff, à l'évocation de ce passé difficile il semble avoir été profondément traumatisé par son séjour. Au cours des années 2000, de nouvelles plaintes relancèrent le dossier judiciaire de L’École en bateau, il travaillait alors en tant qu'éducateur sportif spécialisé dans l'escalade. Son travail consistait à équiper les clients, dont de nombreux enfants, avec des baudriers afin de pratiquer l'escalade. Cela nécessite une proximité avec la personne au niveau de la taille voire des parties intimes pour positionner l'appareillage. Fabien n'avait pas supporté la pression et la résurgence de ces vieux démons avec l'affaire Kameneff. Il finit par craquer au point d'obtenir un arrêt maladie par un psychiatre. Il perdit son emploi.


Fabien illustre parfaitement le conditionnement qui sévissait dans cette association puisque sous la pression de ses camarades il est revenu sur ses aveux en 1996. Des aveux qui auraient pu mettre fin à l'aventure de ces jeunes moussaillons vingt ans auparavant.


Lui aussi raconte les attouchements, les douches collectives, les masturbations et fellations routinières ainsi que les relations sexuelles avec les adultes et entre les enfants. La plupart de ces pratiques avaient essentiellement lieu pendant la nuit. En journée les enfants défilaient cul nul afin de sentir le vent caresser leur peau et la liberté transporter leur âme, pour le plus grand plaisir de leur capitaine. Et ce plaisir a duré 30 ans avec 460 participants. Étant donné le nombre de plaignants et de témoins, des victimes dont les faits étaient prescrits, sans compter ceux qui n'ont pas trouvé la force de se manifester, nous pouvons déterminer que L’École en bateau a enregistré une cinquantaines d'enfants abusés sexuellement, soit 1 sur 10 de manière journalière.


Chronologie et verdict

  • 1969
Création de l'association L’École en bateau.

  • 1971
Une première plainte fut classée sans suite.

  • 1994
Deux plaintes pour viol sont déposées contre Leonid Kameneff. Fabien, l'un de ses jeunes membres d'équipage, témoigna contre lui.

  • 1996
Leonid Kameneff bénéficie d'un non-lieu malgré des aveux circonstanciés. De plus, Fabien, un jeune témoin membre de l'équipage, s'était rétracté face au juge après son retour sur le bateau parmi les autres enfants.

  • 1999
Une nouvelle plainte relance le dossier.6

  • 2008
Leonid Kameneff est arrêté puis placé en détention provisoire, il fut libéré 19 mois plus tard et placé sous contrôle judiciaire jusqu'à son procès en 2013.7

  • 2013
Trois personnes sont condamnées dont deux à de la prison ferme.


Le psychothérapeute Leonid Kameneff, âgé de 76 ans, a été condamné à 12 ans de prison ferme. Il était un lecteur de Roland Barthes et Michel Foucault, deux signataires de pétitions pro-pédophiles. Roland Barthes a également été le directeur de thèse d'un certain Jean Manuel Vuillaume, condamné dans l'affaire Toro Bravo en 1996. Finalement, fin 2016, le vieux Leonid Kameneff était placé sous libération surveillée avec un bracelet électronique. Il aura finalement passé 19 mois en détention provisoire plus trois ans de prison pour avoir abusé sexuellement de dizaine d'enfants triés sur le volet pendant 30 ans, voilà une justice très compréhensive.


Il devait vraiment être impotent pour avoir bénéficié d'une telle mesure de libération car sa perversité n'est plus à démontrer contrairement à celle de Tariq Ramadan toujours en détention provisoire. Leonid Kameneff passa environ trois ans de prison pour avoir abusé pendant 30 ans, jour après jour, à répétition, de plusieurs enfants. Acteur, spectateur et guru. Ce pédophile a fondamentalement altéré l'enfance de centaines d'enfants pour satisfaire sa soif de sexe, mais il faut maintenant le laisser vieillir paisiblement, c'est un comble !


Bernard Poggi, instituteur, âgé de 60 ans fut condamné à 6 ans de prison ferme. Il était une ancienne victime de Leonid Kameneff,8 et il est devenu lui aussi pédophile. Jean-François Tisseyre âgé de 58 ans fut condamné à 5 ans avec sursis en raison d'une infirmité. Le quatrième accusé était mineur au moment des faits, il a été acquitté.



La justice à retardement

Finalement le 22 avril 2013, dix neuf ans après les premières plaintes et les rétractions de Fabien, la justice française accomplissait sa tâche en rendant son verdict. Les victimes avaient déjà remporté une première victoire en 2012 avec la condamnation de l’État français pour « déni de justice ». Fait rarissime. Ainsi l’État français a été contraint de dédommager les 11 plaignants à hauteur de 250.000 euros, en réparations de la lenteur excessive à laquelle leur dossier a été traité par la justice.9



Ce sont pas moins de 27 plaintes10 qui ont été déposé dans le cadre de l'affaire de L’École en bateau depuis 1994, pour agressions sexuelles voire viols. Seulement neuf d'entre elles ont été retenues tandis que les autres étaient prescrites.11 Le cynisme d'une justice qui offre une meilleure protection aux criminels qu'aux victimes puisque qu'un crime peut-être effacé par prescription alors que la souffrance reste inscrite à jamais dans les souvenirs traumatiques de la victime et de sa famille. Dix adultes et trois mineurs ont été mis en cause dans le dossier Kameneff, il s'agissait à la fois d'animateurs mais aussi des connaissances de l'association conviées à bord.12Laissons les derniers mots à l'un des avocats de la défense : « Ce n’est certainement pas le procès d’une époque ou d’un contexte. C’est le procès d’agissements pédocriminels qui étaient déjà interdits à l’époque ».



Eric Martin

Ce pédophile âgé de 57 ans a été condamné à 20 ans de prison en 2014 par la cour d'assises du Vaucluse. Eric Martin avait fondé « l'Arbre voyageur » en 1985, une association située non loin de Nîmes qui accueillait des adolescents en difficultés. Les agressions sexuelles et les viols ont été commis sur pas moins de neuf pensionnaires, victimes des pulsions sexuelles de cet éducateur.13 Ainsi, un an après le procès de Kameneff, L'Ecole en bateau faisait toujours parler d'elle grâce à Eric Martin, un ancien de la maison. Durant les années 1980 Eric Martin envoya des jeunes à L'Ecole en bateau par le biais de son association l'Arbre voyageur. Cet homme avait également abusé de son propre fils, décédé en 2008.14






Frank D.


1Libération : L’École en bateau, un ''cercle'' attirant les adultes pédophiles, AFP, 7 mars 2013.

220minutes : Procès de l’École en bateau: Un témoin inattendu accable Léonide Kameneff, AFP, 8 mars 2013.

3Libération : ''École en bateau'', les jeunes gens et l’amer, Ondine Millot, 14 avril 2014.
École en bateau, l’enfance sabordée documentaire de Laurent Esnault et Réjane Varrod, France 5, 14 avril 2014.

4PAN magazine numéro 3, page 26, novembre 1979.

5Ce documentaire-fiction comporte 11 chapitres :
1 Le secret de Colomb
2 Escale aux Canaries
3 Le mystère des GUANCHES
4 Une île sans bateaux
5 Dans la houle de l'atlantique
6 A nous les Antilles
7 L'île aux perles
8 Au paradis de Christophe Colomb
9 Les navigateurs des Caraïbes
10 Sur la piste de LAMBI
11 Une civilisation disparue

6Libération : Repères : L’École en bateau, 8 mars 2013.

7Le Figaro : L'affaire de pédophilie de L'École en bateau aux assises, Emmanuelle Germain, AFP, 4 mars 2013.

8Le Parisien : Les penchants coupables du capitaine de l'Ecole en bateau, 6 mars 2013.

9Le Figaro : L'affaire de pédophilie de L'École en bateau aux assises, Emmanuelle Germain, AFP, 4 mars 2013.

10Libération : L’envers du paradis des écoliers en bateau, Ondine Millot, 4 mars 2013.

11Prescription fixée à 20 ans après l'âge adulte de la victime.

12Libération : L’École en bateau, un ''cercle'' attirant les adultes pédophiles, AFP, 7 mars 2013.

13Paris Match : 20 ans de condamnation pour le pédophile Eric Martin, M.R, 10 mars 2014.

14Le Dauphiné (Ardèche) : ''Toute sa vie a été dirigée pour assouvir ses pulsions sexuelles'', Audrey Morel, 14 octobre 2016.

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