Le JAF et les enquêteurs sociaux





Dans un précédent article, nous avons brièvement abordé les rôles du JAF (Juge aux affaires familiales) et du JDE (Juge des enfants), et par corrélation le thème de la protection de l'enfance en évoquant l'affaire INAYA. Après quelques recherches, j'ai trouvé un document du ministère de la justice analysant plusieurs milliers de décisions de justice en matière de droit familial. Ce document est un rapport de 63 pages examinant les décisions judiciaires en matière de droit familial sur une période de 15 jours (du 4 au 15 juin 2012), et confirmant une tendance inique, à savoir que la relation maternelle est la plus privilégiée par le JAF.

L'exercice du droit de visite et d'hébergement ainsi que les modalités d'exercice de l'autorité parentale ne peuvent être accordés qu'au parent offrant un environnement stable, sécurisant, sain et favorable à l'épanouissement de l'enfant. Or, comme nous allons le voir, les statistiques du rapport du ministère de la justice sont sans appel. Elles mettent en exergue une justice discriminatoire envers les pères, laissant supposer que la mère est intrinsèquement bonne tandis que le père ne serait qu'une simple alternative voire une roue de secours.

Les divorces et les séparations se concluent généralement par le biais d'un consentement mutuel entre les deux parties. Cette entente est systématiquement homologuée par le juge. Cela n'est possible que s'il subsiste suffisamment d'entente et de confiance entre les deux parents dans la prise en charge de leur enfant. Malheureusement, si l'un des deux parents est dysfonctionnel voire inconséquent, nous serons confrontés à une impasse. Dans un tel contexte, le JAF ou les parties peuvent ordonner ou requérir la mise en place d'une enquête sociale afin d'évaluer l'environnement qui serait le plus bénéfique pour l'enfant, c'est-à-dire évaluer les conditions de vie offertes par les parents dans l'intérêt de l'enfant.

Les chiffres du rapport du ministère de la justice

Cette étude porte sur 6.042 décisions définitives, la résidence chez la mère a été prononcée dans 71% des cas, la résidence en alternance dans 17% des cas et la résidence chez le père dans 12% des cas :

  • 71% favorables à la mère (4290 décisions)
  • 17% résidences alternées (1027 décisions)
  • 12% favorables au père (725 décisions)

Parmi ces 6.042 dossiers, nous identifions trois tendances émergentes, l'accord, le désaccord et l'absence de demande exprimée par l'un des parents :

  • 80,3% accord des parents (4.851 décisions).
  • 10,3% désaccord des parents (624 décisions).
  • 9,4% aucune demande exprimée par l'un des parents (567 décisions).

Ce qui va nous intéresser ce sont les situations où les deux parents sont en désaccord sur les modalités de garde. Sur ce point nous apprenons que « dans les situations de désaccord, les juges fixent une résidence chez la mère pour 63% des enfants et chez le père pour 24% des enfants. On notera que le juge fixe 2 fois plus de résidence chez le père que dans les situations d’accord entre parents (10%) ».

Ici nous avons deux choses intéressantes à relever ; la première confirme la tendance globale, même en cas de désaccord, car elle penche toujours favorablement du côté maternel en dépit du désaccord parental. La seconde assertion est en revanche fausse puisque le rapport stipule que « le juge fixe 2 fois plus de résidence chez le père que dans les situations d’accord entre parents (10%) ». Voici une information qui, sortie de son contexte, peut s'avérer très dangereuses pour tous les pères qui se plaignent d'une discrimination judiciaire et désirent obtenir la garde de leur enfant car en aucun cas elle ne se vérifie par les chiffres. De plus, cette interprétation illogique des chiffres sous-entend que la parole du père serait plus entendue lors d'un désaccord opposant les deux parents.

Reprenons les chiffres, 624 décisions définitives concernent une situation de désaccord, cela représente 393 décisions en faveur de la mère et 150 décisions en faveur du père. Ensuite, rappelons qu'en cas de consentement mutuel le père ne réclame son enfant que dans seulement 10% des cas, c'est-à-dire 485 décisions, contre 150 décisions en cas de désaccord. Cela représente donc trois fois moins et non deux fois plus de résidence chez le père plus comme le souligne le rapport.

De plus, au regard du fonctionnement du JAF, il est tout à fait normal de voir un juge accorder « deux fois plus » la garde de l'enfant au père dans les situations de désaccord puisque ces demandes sont plus nombreuses. Le désaccord entre les parents est généralement fondé sur les droits de garde et de visite de leur enfant. Quoiqu'il en soit, en cas de désaccord la relation maternelle est toujours privilégiée parfois au mépris de l'intérêt de l'enfant. Faut-il rappeler qu'une mère n'est pas sacrée et un père n'est pas seulement un donneur de sperme ou un portefeuille ?

Les deux tableaux ci-dessous expriment le taux de satisfaction d'un parent en fonction de la demande exprimée au JAF. Il en ressort que les demandes des mères sont plus satisfaites.

Voici un dernier élément du rapport du ministère de la justice ergotant sur l'âge de l'enfant, plus il est jeune plus il est confié à la mère, plus il grandit plus il est confié au père. Considérant que la période de l'adolescence est plus courte que celle de l'enfance, les pères passent encore au second plan :

« Ainsi, on peut souligner que les parents privilégient la fixation de la résidence au domicile de la mère pour les enfants de moins de 5 ans, la résidence alternée pour les enfants entre 5 et 10 ans, la résidence chez le père est plus fréquente pour les adolescents ».

Il est ici suggéré que le papa est incompétent à prendre en charge un enfant en bas âge mais il serait compétent pour éduquer un adolescent. Un enfant aurait donc besoin de la douceur de sa mère au début de sa vie puis de la fermeté de son père afin de devenir un adulte. Chacun appréciera la pertinence de cette analyse ou son absence de fondement dogmatique. Notons également que les juges aux affaires familiales fixent la résidence de l'enfant en tenant compte de la résidence antérieure, ainsi pour les trois quarts des enfants, la décision du juge ne modifie en rien leur ancien mode de résidence, ce qui est bien commode pour la mère qui conserve le logement qu'elle partageait auparavant avec leur ex-mari ou leur ex-concubin.

Lorsque le père et la mère expriment leur désaccord, le JAF peut trancher en faisant appel à une enquête sociale pour appuyer sa décision comme le préconise le code civil. Cependant, contrairement aux idées reçues, un juge n'est aucunement lié par les constatations ou les conclusions du « technicien » qu'il a désigné pour mener une enquête sociale.

Une enquête sociale s'étend sur une courte période de six mois durant lesquelles un « professionnel » va évaluer la situation de la famille, ce qui permettra au JAF de fixer les droits de visite et d'hébergement ainsi que les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Lorsque le JAF se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, il prend en considération 6 éléments :


  • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ;

  • Les sentiments exprimés par l'enfant mineur sous certaines conditions ;

  • L'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ;

  • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant ;

  • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales ;

  • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.

Sur ces 6 éléments, seul un critère fait directement référence à l'enfant mais « sous certaines conditions », force est de constater que l’intérêt de l'enfant n'est qu'un épouvantail brandit par le JAF afin de repousser les arguments de mauvais augures pouvant être utilisé par l'un ou l'autre des parties.


Qui sont les professionnels qui exécutent les enquêtes sociales ?

Les enquêteurs sociaux exercent en général dans le domaine médico-social pour le compte d'une association ou en tant que libéral. A titre d'exemple, l'association HORIZON à Meaux est spécialisée dans l'insertion sociale et professionnelle. HORIZON possède une ressourcerie dont l'activité est le tri, la récupération, le recyclage, la réparation de produits divers destinés à la revente. Au milieu de ce bazar, un pôle justice au sein duquel certains employés exercent en qualité d'enquêteur social. L'activité principale de l'association HORIZON est donc sans rapport avec le domaine de l'enfance mais ce sont à eux que le ministère public confie toute latitude pour décider de l'avenir de nos enfants. En 2015, l'association HORIZON a réalisé 44 enquêtes sociales.


Il n'existe aucune formation diplômante pour devenir enquêteur social, ce n'est d'ailleurs pas un métier, il s'agit d'une fonction concomitante à une activité professionnelle généralement exercée dans le domaine médico-social. Ces missions ponctuelles permettent d'obtenir une source de revenue supplémentaire pour les volontaires puisque chaque enquête sociale est rémunérée à hauteur de 600 euros pour une personne physique et 700 euros pour une personne morale. Voici les conditions requises pour agir en qualité d'enquêteur social dans le ressort d'une cour d'appel :



  • Être âgée de moins de 70 ans à la date de son inscription ;

  • Exercer ou avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité, notamment dans le domaine social ou psychologique, en relation avec l'objet des enquêtes sociales ;

  • N'exercer aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa mission ;

  • Avoir sa résidence dans le ressort de la cour d'appel ;

  • N'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale ou à sanction disciplinaire ou administrative pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

Après avoir adressé leur candidature au procureur de la République, les enquêteurs sociaux sont désignés par l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel. Une liste d'enquêteurs sociaux est ensuite dressée dans chaque ressort de cour d'appel pour une durée de cinq ans. Ils sont rémunérés par l’état français, les désavouer signifierait renier la probité et la crédibilité du ministère public et du système de protection de l'enfance.

Selon la DREES, les dépenses nettes des aides sociales relatives à l'Aide Sociale de l'Enfance s’élevait à 7,1 milliards d'euros en 2013. Elle concerne notamment les dépenses relatives aux placements en établissement ou en famille d'accueil (75%), les rémunérations des enquêteurs sociaux ou encore des expertises psychologiques.

N'importe quel professionnel ayant eu une expérience dans le domaine social ou psychologique peut soumettre sa candidature dans le ressort d'une cour d'appel afin d'accomplir des missions en tant qu'enquêteur social. Aucun diplôme et aucune formation ne sont requis. La seule difficulté pour le futur enquêteur social est de réussir à prononcer sans bafouiller le serment de l'enquêteur social devant la cour d'appel : « Je jure d'exercer ma mission d'enquêteur social en mon honneur et conscience et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à cette occasion ».

Enfin, le statut et la mission de l'enquêteur social sont définis par un décret et un arrêté. L'enquête sociale n'est pas un exercice improvisé, la trame est clairement indiquée dans l'arrêté du 13 janvier 2011 fixant les diligences à accomplir en la matière ainsi que la forme du « rapport descriptif et analytique ».

Les diligences à suivre pour un enquêteur social


  1. Deux entretiens avec chaque parent dont un se déroule à leur domicile et peut s'accompagner d'un entretien avec le tiers qui réside habituellement au domicile et, le cas échéant, avec les enfants du tiers qui vivent au domicile, au cours desquels sont évoqués les thèmes suivants :


  • la présentation de la mesure ;
  • la compréhension de la décision avant dire droit et son application ;
  • la présentation de la famille, composition, recomposition ;
  • le parcours individuel des parents, du couple ;
  • la présentation du logement, des conditions d'accueil des enfants ;
  • les éléments financiers limités à la compréhension de la dynamique familiale et du milieu dans lequel évoluent les enfants ;
  • la description de la prise en charge de l'enfant, de la vie de l'enfant, de la disponibilité des parents ;
  • l'évocation de la problématique avec chaque parent, et de leurs projets, attentes et souhaits ;
  • la confrontation de leur position ;
  • l'évolution de la situation depuis le premier entretien ;
  • le discours des parents sur l'enfant ;


  1. Une rencontre avec chaque enfant seul, puis en présence de chaque parent.

  2. Des contacts avec le milieu dans lequel évolue l'enfant.


    Il s'agit notamment des contacts avec l'école, les services sociaux de secteur, la protection maternelle infantile, la crèche et, le cas échéant, le tiers ou membre de la famille chez lequel se déroule le droit de visite et, dans la mesure du possible, les médecins et thérapeutes. Les renseignements peuvent être recueillis par téléphone ou par courrier, notamment à l'aide d'un questionnaire.


Le rapport d'enquête sociale contient les informations suivantes

  • un sommaire;
  • le rappel de la mission;
  • l'état civil, la présentation de la famille;
  • le déroulement de l'enquête sociale : dates et lieu des rencontres, difficultés rencontrées et, le cas échéant, modalités du travail d'équipe...;
  • les conditions de vie et l'activité professionnelle des parents;
  • la présentation familiale actuelle (famille recomposée...);
  • les éléments de biographie des parents et histoire judiciaire si nécessaire;
  • l'histoire du couple et de la famille;
  • les relations des parents après la séparation;
  • un compte rendu des entretiens avec les parents et les enfants et des éléments recueillis auprès des tiers;
  • une synthèse et une analyse approfondie de la situation;
  • une conclusion et des propositions.
Les capacités éducatives d'un parent ne peuvent se définir qu'en fonction de son aptitude à prendre en charge son enfant qu'il soit une mère ou un père. Les rapports d'évaluation rédigés par les enquêteurs sociaux sont parfois traumatisant pour la cellule familiale. Ils reflètent trop souvent des clichés pro matriarcat contribuant même à l’aggravation du conflit entre les deux parents. Une fois la procédure judiciaire terminée, ces rapports d'enquête sont archivés auprès de chaque Conseil Départemental sans que jamais l'auteur du rapport n'ait à répondre de ses écrits. L'enquêteur social n'a donc aucune compétence spécifique et possède en plus l'immunité pour détruire des familles par milliers. En 2009, un rapport de la Cour des comptes dénonçait des « contrôles qui n'interviennent que lorsqu’un scandale ou une carence grave y oblige ». Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, avait déclaré : « Au rythme actuel, un établissement du secteur associatif est contrôlé par l’État en moyenne tous les 26 ans! ».

C'est pourquoi il est vivement conseillé aux mères et aux pères de s'entendre malgré leurs différends. L'autre parent bénéficie généralement d'un droit de visite et d'hébergement « classique » au rythme d'un week-end sur deux, plus la moitié des vacances scolaires, cela correspond à environ 114 jours par an. Si l'entente entre les parents demeure cordiale alors le parent gardien laissera l'enfant passer plus de temps avec l'autre parent.

Notons que les JAF sont en majorité des femmes qui nous imposent leur vision surannée de la famille, à savoir la mère aux fourneaux avec ses enfants et le père au turbin pour ramener les subsides nécessaires à faire vivre sa famille. L'intérêt de l'enfant dans cette représentation familiale passe au second plan. L'enfant n'aspire qu'à être stimuler, aimer, protéger, peu importe que cela soit en présence de sa mère ou de son père.


Sources :


Ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau, pôle d'évaluation de la justice civile : La résidence des enfants de parents séparés. De la demande des parents à la décision du juge. Rapport de 63 pages, novembre 2013.

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) : Dépenses d'aide sociale départementale en 2013 : une hausse soutenue par le RSA. n°905, février 2015.

Arrêté du 13 janvier 2011 définissant le référentiel des diligences à accomplir en matière d'enquête sociale ordonnée par le juge aux affaires familiales et pris en application de l'article 12 du décret n° 2009-285 du 12 mars 2009 relatif aux enquêteurs sociaux et à la tarification des enquêtes sociales en matière civile.


Tarification enquête sociale : 600 euros pour une personne physique, 700 euros pour une personne morale.

L'OBS : "Enfants en souffrance… La honte", une enquête choc, Marie Vaton, 28 septembre 2014.




Voici quelques articles de loi utiles dans le cadre de cette thématique, JAF + enquête sociale.


Article 10 du code civil : chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.

Article 16-3 du code civil : respect de l'intégrité du corps humain.

Article 371-1 du code civil : l'intérêt de l'enfant, associer l'enfant aux décisions qui le concerne en fonction de son âge et de son degré de maturité.

Article 371-4 du code civil : droit de l'enfant d'entretenir des relations avec ses ascendants.

Article 373-2-11 du code civil : modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Article 373-2-12 du code civil : le JAF donne mission à une personne qualifiée d'effectuer une enquête sociale.

Article 237 du code de procédure civile : le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

Article 1183 du code procédure civile : mesure d'information sur l'environnement familial via une enquête sociale ou une expertise psychologique, à la demande du juge, des parties ou du ministère public.

Article 1187 du code de procédure civile : consultation du dossier dès l'ouverture de la procédure.

Article 1189 du code de procédure civile : le juge peut dispenser le mineur de se présenter à une audience.


Frank D.

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