Lunes de Fiel ou le génie paroxystique de Polanski

Dans Lunes de Fiel Roman Polanski nous offre son cocktail favori à base de vodka et de déviances sexuelles : sadomasochisme, voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme, hédonisme/libertinage, urophilie et lesbianisme. Enfin, le suicide et le meurtre font aussi partie de cette magnifique galerie Polanskinesque. L'univers réel de Polanski est à l'antinomie du stéréotype psalmodié par nos médias : « Roman Polanski est un génie car il a réalisé Le Pianiste en 2002 ». Or sa carrière a débuté en 1962 soit 40 ans auparavant. Roman Polanski a réalisé ou produit 23 films dont un documentaire sur un pilote de formule un. Ses thèmes de prédilection sont la psychologie, les déviances sexuelles, la nudité de la femme et l'occultisme. Pour le démontrer j'ai publié précédemment un article dans lequel sont évoqués les films suivants : Répulsion, Cul-de-sac, Le Bal des Vampires, Le Locataire, Rosemary's Baby et La Vénus à la Fourrure. Maintenant nous allons voir ou revoir Lunes de Fiel, sortie dans les salles le 23 septembre 1992.

Au milieu de nombreuses bougies, Mimi offre sa spécialité à Oscar, la danse. La bougie symbolise le sacrifice, la lumière qui se consume pour finir par disparaître.

A droite, au moment d'un déjeuner Mimi offre à Oscar un spectacle très singulier...

Trois points communs avec Neuf semaines et demi (1986), une scène avec du lait, une scène avec une danse érotique pour leur partenaire, et une scène accompagnée par Slave to love de Bryan Ferry.

Contexte, Roman Polanski filme sa femme se faisant lécher les seins par un acteur pour la simple réalisation d'un film.

Emmanuelle Seigner est Mimi.
Peter Coyote est Oscar.
Hugh Grant est Nigel.
Kristin Scott Thomas est Fiona.

Un couple part en croisière, direction l'Inde. Ils sont mariés depuis 7 ans et ils n'ont aucun enfant. Chez Roman Polanski la représentation de l'enfant est quasi inexistante, il n'a pas sa place sauf de manière négative. Hugh Grant joue le rôle de Nigel et Kristin Scott Thomas est Fiona, la femme de Nigel. Leur voyage est une manière de raviver la flamme de leur amour avant qu'elle ne se dissipe. Sur le paquebot ils font la rencontre d'un homme en fauteuil roulant, c'est Oscar (Peter Coyote), il est marié à Mimi (Emmanuelle Seigner). Ce deuxième couple n'a lui aussi aucun enfant. Leur relation est une ode à la perversité et à la destruction. Ainsi l'histoire de Lunes de Fiel repose sur les confidences intimes d'Oscar à Nigel. Cette vie intime détaillée par Oscar dans sa cabine va irrémédiablement perturber l'esprit de Nigel.

Oscar est un écrivain qui ne publie rien. Il a rencontré Mimi dans un bus, c'est une serveuse. Leur relation est basée sur le plaisir de la chair, ils ne partagent rien et ils n'ont rien en commun. Oscar aime le corps de la femme, et Mimi est une jeune femme inexpérimentée qui apprécie de se sentir aimer et désirer.

Oscar vient de faire la rencontre de sa future femme. Le bus affiche une publicité pour le minitel sur 36 15 ULLA "le diable au corps", ancien service de rencontres dédié aux adultes.

Mais le quotidien d'Oscar reprend son cours avec de nouvelles inconnues défilant dans son appartement. Cette scène illustre la nudité mise en scène par Roman Polanski, une nudité incohérente et sans le moindre motif pour satisfaire son voyeurisme. Alors qu'Oscar travaille sur son livre, une femme non identifiée ne sachant pas mettre son soutien-gorge, se dirige cul nu vers Oscar pour qu'il lui remette.

Le destin remet Mimi sur la chemin d'Oscar alors qu'elle habitait ses pensées depuis leur rencontre dans le bus. Il la retrouve dans un bar et leur idylle commence. Dans cette scène Oscar manifeste son fétichisme pour les pieds.

Mimi aime Nigel mais il se lasse rapidement d'elle. Mimi s'accroche à lui et il cède plusieurs fois après lui avoir répété que leur relation ne les mènerait nul part. Mais Mimi l'aime et elle dit vouloir se marier avec lui et avoir des enfants. Mais Nigel lui dit explicitement qu'il n'en à rien à foutre, c'est sa vie qui compte, pas celle de Mimi.

Mimi est décrite par Oscar comme un objet, c'est un corps, une beauté, un nu, une image. A ce moment de l'histoire, Oscar explique à Nigel qu'il était entièrement soumis à sa beauté. C'est sa définition de l'amour étayée par cette logorrhée obscène : « sa chatte était une petite fente discrète et timide » allant jusqu'à la comparer à « une fleur carnivore, la bouche d'un bébé avide qui tétait goulûment » son doigt. Au fil de son récit, Oscar s'enfonce dans l'obscénité atteignant un summum en partageant avec Nigel l'orgasme le plus violent qu'il ait connu. Un jour Mimi pissa sur la télévision et il rampa jusqu'à elle puis il roula sur le dos et il fut soudain inondé « d'une pluie d'or ».¹

Pour Roman Polanski l'être humain n'a qu'une chose à partager, c'est le sexe. Dans Lunes de Fiel, le plus grand moment de la vie d'Oscar a été de se faire uriner sur le visage par Mimi. Concernant Nigel, il est plus préoccupé par les histoires pornographiques d'Oscar que par le bien-être de sa propre femme Fiona.

Finalement la relation entre Oscar et Mimi évolua du coup de foudre à la passion charnelle virant du sadomasochisme au sadisme. D'ailleurs selon Oscar il faudrait « se séparer quand la passion décline ». Ici la passion signifie le désir sexuel donc la sexualité.

Après avoir fait quelques achats dans un peep show, le couple Nigel/Mimi expérimente le sadomasochisme. Nigel est assis, menotté sur sa chaise et mis au silence avec la bouche scotchée. Mimi use d'un rasoir pour couper lentement les vêtements d'Oscar jusqu'au caleçon. Puis elle le pousse à la renverse sur le sol. Elle se déshabille et s'assoit cul nu sur le visage d'Oscar. Là encore il serait intéressant d'expliquer l'intérêt de toutes ces scènes, moi je n'y vois qu'une intention de combler le néant. Autre scène sadomasochiste, Oscar porte un slip et un masque de cochon, il marche à quatre pattes tout en recevant des coups de fouet portés par Mimi.

Ils font quelques achats dans un sex shop.

Première scène de sadomasochisme.

La scène s'achève sur un fondu enchaîné sur une bougie.

Du matériel pour pratiquer le sadomasochisme et une bougie presque consumée, à l'image de l'intérêt déclinant d'Oscar pour Mimi.

Oscar à quatre pattes, il porte seulement un slip et un masque de cochon.

L'univers du génie Polanskinesque est pour le moins déroutant.

Malgré tous ces excès, Oscar explique à Nigel qu'il commençait à se « sentir comme deux poissons rouges dans un bocal ». Une lassitude intrinsèque à toute relation basée uniquement sur le sexe. Oscar enfonçait le clou : « j'écrasais mes lèvres contre les siennes comme un mégot dans un cendrier ». Mais tout ceci n'est que le point de vue subjectif d'Oscar, un homme et avant tout un homme obsédé par le sexe.

36 15 ULLA déjà affiché sur le bus au début du film. A droite, Oscar et ses jumelles dans une scène de voyeurisme.

Oscar se connecte sur 36 15 ULLA

A gauche, Oscar a commandé du sexe sur 36 15 ULLA. A droite, suite à des mots violents et de l'agressivité, il gifle Mimi.

De retour sur le paquebot, Mimi invite Nigel dans sa cabine mais c'est Oscar qui se trouvait dans le lit. Nigel s'est fait doublement piéger car il a montré un intérêt envers Mimi et il s'est retrouvé victime d'un quiproquo planifié. Nigel ressort de la cabine dépité et nous entendons Oscar et Mimi hilares comme des enfants satisfaits de leur plaisanterie perverse. A partir de cet instant, le récit d'Oscar bascule dans le sadisme avec une réflexion sans équivoque : « Le sadisme sommeille en chacun de nous, rien ne l'éveille mieux que d'avoir quelqu'un à sa merci ». C'est le début de la descente aux enfers pour Mimi. Critiques et moqueries constantes, humiliations publiques, avilissement complet de sa personnalité.

Oscar compare la nouvelle coupe de cheveux de Mimi à celle de Rita, la chienne du voisin.

Finalement Mimi tombe enceinte d'Oscar. Elle lui annonce sans conviction. Il lui rétorque qu'il n'a rien d'un père, il va sur ses quarante ans sans avoir vendu un seul livre, il n'est rien, il n'existe pas. De plus il lui confie qu'il ne passe pas une journée sans se demander s'il ne ferait pas mieux de se « tuer pour en finir une bonne fois pour toute ». La suite logique de cette scène est l'avortement de Mimi, une décision guidée par Oscar. Après cette épreuve traumatisante pour Mimi, ils prennent l'avion pour un voyage à l'initiative d'Oscar. Mais Oscar avait une idée en tête, abandonner Mimi seule dans l'avion pour s'en débarrasser définitivement. Il expliqua à Nigel qu'il avait « laissé tomber Mimi pas pour une femme mais toutes les femmes de la terre ».

A droite, de retour sur le paquebot, Nigel et Mimi se croisent dans le couloir des cabines, Nigel l'embrasse. Le piège pervers tendu par le couple déviant se referme sur lui.

Sans Mimi, Oscar se sent de nouveau libre puisque sa conception de la liberté est de pouvoir forniquer quand il le désire et avec qui il désire.

Et pendant ce temps là, un bébé s'occupe seul...

L'histoire d'Oscar touche bientôt à sa fin et Nigel va découvrir les raisons de l'infirmité de son hôte et une autre facette de Mimi. Après avoir abandonné Mimi dans l'avion, Oscar reprit son ancienne vie tournant autour de l'alcool et du sexe. Un matin, à l'aube, sortant d'une discothèque, Oscar est percuté par un camion. Il se retrouve ensuite immobilisé à l'hôpital pour une légère commotion et une fracture du fémur. C'est alors qu'il reçoit une visite inattendue, celle de Mimi. Mais la femme qu'il avait connu n'était plus la même et il en était le principal responsable. Nous apprenons d'ailleurs qu'après son avortement elle a été victime d'une infection ne lui permettant plus de procréer. Mimi n'était plus, elle devint un démon.

Alors qu'il s'apprêtait à ramener chez lui deux femmes pour faire un trio, l'une d'entre elles se faufila. Oscar essaya de la rattraper et fut percuté par un camion.

Mimi vengeresse condamne définitivement Oscar à la paralysie en l'éjectant de son lit d'hôpital.

Mais elle continua à prendre soin de lui à sa manière, en lui faisant payer chaque seconde de l'enfer qu'il avait contribué à créer pour elle.

Elle le lave dans un bain froid et en lui mettant du savon sur les yeux. Elle le laisse pour répondre au téléphone pendant de longues minutes alors il sort seul en rampant pour se réchauffer.

Mimi couche avec cet homme en présence d'Oscar.

Et ils se marièrent après la paralysie d'Oscar...

Fin du récit pornographique d'Oscar, l'histoire reprend sur le bateau de croisière où nous retrouvons Nigel dansant avec Mimi pour fêter le nouvel an. Il lui dit qu'il l'aime, elle lui répond que c'est pour cette raison qu'il ne l'aura jamais. Et c'est alors que la musique de Bryan Ferry Slave to Love entre en scène pour parachever le chef d’œuvre Polanskinesque avec une scène de lesbianisme entre Mimi et Fiona. Nigel exprime son désarroi et sa colère sur le pont du navire. Puis nos 4 protagonistes se retrouvent dans une chambre, les deux femmes sont allongées, elles dorment, et les deux hommes les regardent. Ne supportant plus cette situation, Nigel chercher à étrangler Oscar qui dégaine son revolver. Oscar tire alors sur Mimi puis pointe le revolver dans sa gorge et se suicide.