Irak, USA et le Nouvel Ordre Mondial (1990-1991)

Pour comprendre l'histoire contemporaine de l'Iran, de l'Irak, les relations de l'occident avec le monde arabe et la guerre contre le terrorisme, voici un autre volet géopolitique centré cette fois-ci sur la crise du Golfe ou la guerre du Golfe 2. Le premier volet porte sur la guerre du Golfe opposant l'Irak à l'Iran, le second sur l'Afghanistan, le troisième que voici, et le quatrième volet concerne l'élection de George W. Bush en 2000.


La crise du Golfe (1990-1991)

A l'issue de la guerre régionale l'ayant opposé à l’Iran, le régime de Saddam Hussein se retrouva endetté à hauteur de 40 milliards de dollars envers les nations non arabes et 35 milliards de dollars envers les monarchies du Golfe1. Son économie, basée essentiellement sur les exportations de pétrole, fonctionnait au ralenti à cause des nombreux dégâts occasionnés sur ses installations pétrolières. La guerre contre l’Iran avait transformé l’un des pays les plus riches du tiers-monde en un trou financier causé par l’accumulation de prêts et de crédits accordés par les puissances étrangères et les monarchies du Golfe. Pour ces raisons, Saddam Hussein décida de se tourner vers le Koweït, son plus important créancier, qui l'avait déjà soutenu financièrement avec l'Arabie Saoudite lors du conflit contre l'Iran, afin d'obtenir un report de sa dette. Étrangement, le Koweït répondit par la négative. De plus, l'Irak revendiquait l’exclusivité de la zone pétrolière de Rumaylah, près de la frontière koweïtienne, mais aussi la location des îles de Bubiyan et Warbah, dans le golfe Persique, afin de sécuriser les terminaux situés près de la frontière iranienne en les transférant2.



Ce différend territorial remonte à l’époque du protectorat britannique en Irak puisque c’est la Grande-Bretagne qui dessina les frontières du petit émirat koweïtien à la fin du XIXe siècle. En 1961, le Koweït acquit son indépendance, contestée par Bagdad. Il était difficile pour les dirigeants irakiens d’admettre qu’un étranger, en l’occurrence une ancienne puissance coloniale, puisse avoir le privilège de vous ôter une partie de votre territoire, riche en ressources naturelles de surcroît. En 2003, le Koweït détenait la 4ème réserve d’or noir prouvée au monde, derrière l’Arabie Saoudite, l’Iran et l’Irak3. Tout comme la France qui récupéra l'Alsace-Lorraine en 1945, l'Irak désirait la réintégration du Koweït afin de récupérer son or noir et son accès d'antan aux eaux territoriales du golfe Persique.

Les plus importantes réserves énergétiques de l'Irak se situent au nord-est (présence kurde) et au sud-est (proche de la frontière koweïtienne).

Le 17 juillet 1990, Saddam Hussein fit une intervention télévisée dans laquelle il déclara que l’Irak était la cible d’une guerre économique de la part de ses voisins, à savoir le Koweït et les Emirats arabes unis. Saddam Hussein se plaignit de la chute des cours du pétrole, dénonçant un complot impérialiste. Les premiers mots de Bagdad au sujet de cette variation du prix du baril, initiée au mois d'avril, furent formulés au mois de mai 1990.

Le Premier ministre Tareq Aziz dénonça lui aussi la surproduction de pétrole au sein de l'OPEP4. A la lueur des faits, le complot envers l’Irak dont Saddam Hussein accusait l’Occident n’avait rien d’une crise paranoïaque. En effet, un état aussi minuscule que le Koweït n’aurait jamais pu entreprendre pareille politique de déstabilisation s’il n’avait pas reçu l’assurance du soutien des grandes puissances.

Au mois de janvier 1990, le prix du baril était de 22 dollars, il chuta à 14 dollars au mois d’avril suite à la surproduction de certains pays voisins5. Selon le principe de l’offre et de la demande, une offre excédentaire, donc non régulée dans le cas du pétrole, débouche sur une baisse du prix du baril. Le Koweït et les Emirats Arabes Unis en augmentant leur production, et de manière intrinsèque l’offre sur le marché, entraînèrent une baisse des cours du baril de pétrole. Les nations concernées ne pouvaient ignorer les conséquences de ce choix politique.

Parallèlement, aux États-Unis, le président George H.W. Bush avait baissé dans les sondages d'opinion depuis sa décision d'augmenter les impôts au mois de juillet 1990. Sa cote de popularité qui était de 80% au mois de janvier après l'opération Juste Cause au Panama, dégringolait à 60% au mois de juillet, suite à la rupture de sa promesse électorale : « read my lips : no new taxes »6. Il fallait relancer la machine présidentielle avec une nouvelle intervention militaire après celle du Panama.


Un autre facteur contribua aux velléités guerrières des américains, celui de la fin de la guerre Froide symbolisé par le retrait de l’armée soviétique d’Afghanistan le 15 février 1989 et la chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989 ; les États-Unis n’avaient alors plus aucune justification à fournir au Congrès pour maintenir leur augmentation constante du budget de la Défense. Washington devait impérativement trouver une nouvelle menace mettant en péril la sécurité nationale (mondiale). Le président Bush, fortement lié au complexe militaro-industriel et au lobby pétrolier, pouvait arranger cette situation avec une intervention militaire américaine en Irak, permettant de stabiliser voire d'augmenter le budget de la Défense (DoD), et par la même occasion s’offrir un regain de popularité en exploitant l’événement médiatiquement. D'ailleurs la crise du Golfe ou la guerre du Golfe 2 fut la première guerre télévisée.


Le petit émirat koweïtien ainsi que les Emirats arabes unis continuaient d'augmenter leur production de pétrole, ceci dans l'unique but de saboter la reprise économique du régime de Saddam Hussein, éreinté par 8 années d’une guerre inutile contre l’Iran sauf pour les intérêts occidentaux. Le Koweït resta campé sur ses positions, aucune concession n’était envisageable. Une nouvelle fois Bagdad se tourna vers l'OPEP, seule organisation habilitée à prendre des mesures dans un tel contexte. Depuis 1989, le prix du baril avait été fixé à 18 $ par l’OPEP9. Entre les 25 et 27 juillet, après une réunion exceptionnelle de l'OPEP à Genève, l'Irak obtint un plafonnement du prix du baril à 21 $ alors qu’il avait escompté 25 $. Mais ce compromis restait toujours insuffisant pour contenter les besoins immédiats irakiens et ainsi combler les pertes abyssales déjà enregistrées depuis le début de l’année 1990.

Selon les données recueillies par l’imagerie américaine, les troupes irakiennes commencèrent leur mouvement au Nord de la frontière koweitienne à partir du 21 juillet7. Puis, le 24 juillet, les troupes de l’armée irakienne étaient positionnées près de la frontière koweïtienne. Le lendemain, April Glaspie, ambassadrice des Etats-Unis en Irak, eut un entretien avec le président irakien. Elle lui concéda que les Etats-Unis ne s'intéressaient guère aux problèmes arabo-arabes, intrinsèquement ils ne s'opposeraient donc pas à une invasion du Koweït8. Moins d’une semaine après, les troupes de Saddam Hussein envahissaient le Koweït. Les Etats-Unis manifestèrent instantanément leur désapprobation.


Ce contexte profitait aux desseins du président Bush et du complexe militaro-industriel, il allait permettre de convaincre le Congrès américain de la nécessité d'une intervention en Irak. L'intervention américaine se déroula en 2 grandes phases : les bombardements puis l’intervention militaire au sol ; précédées par des simulacres de négociations. Mais le président George Herbert Walker Bush ne voulait rien concéder à son ancien allié Saddam Hussein.

Un officier de la CIA (NIO) chargé des affaires au Proche-Orient et au Sud-Est asiatique répondait le 3 mars 1989 aux questions soulevées par la National Security Review-10. Le sujet portait sur « La politique U.S. envers le golfe Persique ». Ce rapport n'était qu'un préliminaire à la préparation d’un meeting du Conseil de la Sécurité Nationale (NSC) prévu pour le 7 mars10. Les réponses fournies par ce document sont troublantes et contrastent singulièrement avec la diplomatie pratiquée par l’ambassadrice américaine April Glaspie à la fin du mois de juillet 1990. En tout, 6 problèmes furent posés par le Conseil de la Sécurité Nationale (NSC), dont voici 3 exemples ci-dessous :

De quelle manière la fin de la guerre entre l’Iran et l’Irak, et le retrait de l’ex-URSS d’Afghanistan, affectent-ils les intérêts politiques, économiques, et stratégiques des États-Unis ?

Le NIO, s’exprimant au nom de la CIA, « pense qu’un nouvel ordre régional a émergé dans le golfe Persique », il « devrait réduire les hostilités pendant au moins les 2 prochaines années ». Dans ce nouvel ordre régional, aucun « État du golfe Persique n’est en mesure de dominer la région », l’« attention et les ressources de la plupart des nations » étrangères seront concentrées sur « les problèmes économiques et politiques internes » du golfe Persique. De plus, « les États jugent inutile le soutien d’un gendarme étranger » . En 1989, l'Irak ne représentait donc pas un danger imminent. Cependant, « les disputes territoriales entre l’Irak et le Koweït posent également une sérieuse menace pouvant déboucher sur des requêtes, pour une augmentation de la présence américaine, émanant des États arabes du golfe, afin de garantir la sécurité » de la région du golfe Persique.

Ainsi, le 3 mars 1989, cet analyste de la CIA avait prédit la probable date de rupture de la paix dans le golfe Persique, le motif, et les deux protagonistes du conflit.

Quelles sont les prévisions concernant le degré de prolifération des armes chimiques, biologiques et nucléaires ?

La CIA avait une connaissance relativement pointue de tous ces programmes. Pourtant l'analyste de la CIA ne fait mention d’aucune observation concernant les armes biologiques à moins que le passage concerné ait été caviardé. Rappelons que le rapport Riegle (1994) a démontré l’ampleur des ventes de précurseurs et autres agents biologiques à l’Irak durant les années 1980. Au niveau nucléaire, l’Irak poursuivait ses efforts, et s’agissant du programme chimique il était à l'époque « le plus avancé du Moyen-Orient ». En résumé, l’Irak poursuivait ses efforts pour « maintenir son avantage stratégique sur l’Iran et développer la dissuasion envers Israël ».

A quel comportement devons-nous nous attendre de la part de l’Irak, au lendemain de sa guerre contre l’Iran ?

Dans une dernière prédiction, le NIO voyait l’Irak faire pression « intensément sur le Koweït pour le contrôle stratégique des îles koweïtiennes de Bubyian et Warbah ». Un meilleur accès aux eaux du golfe Persique avait toujours été le souhait de Saddam Hussein. Depuis la guerre contre l’Iran, ce désir était devenu nécessité, car l’Irak aurait pu apporter une meilleure protection aux ports d’Umm Qasr et Khawr Az Zubayr.

Cette analyse de la CIA datée au 3 mars 1989, destinée à un usage interne, fut transmise au NSC, au département d’Etat, au Pentagone, au département de l’Energie, à la base aérienne de Bolling à Washington, à la National Security Agency (NSA), ainsi qu’au service secret du département d’Etat (INR). Toute la chaîne de commandement américaine avait pu prendre connaissance de l'existence de ce document et de son contenu.


Le 2 août 1990, à l'aube, l'Irak franchissait la frontière koweïtienne ; l'invasion débutait, la réaction de Washington fut immédiate. Un cabinet de crise fut formé composé du secrétaire d'Etat James Baker, du secrétaire de la Défense Dick Cheney, du chef du NSC Brent Scowcroft, du chef de l’Etat-major interarmées, le général Colin Powell, et du responsable du CENTCOM, le général Norman Schwarzkopf, commandant en chef des troupes alliées dans le golfe. Ce dernier avait étroitement travaillé avec le général Vessey lors de l’opération Urgent Fury à la Grenade en 198311. Le Central Command, ou CENTCOM, créé en 1983, a la charge de planifier le déploiement des forces armées américaines en cas de conflit dans la région du Moyen-Orient, en Afrique de l’Est et en Asie Centrale12.

Le jour même de l'invasion irakienne, le Conseil de sécurité de l'ONU condamna unanimement l'agression de l'Irak, par la résolution 660, en réclamant le retrait immédiat des troupes. Le Yémen fut la seule nation à s’abstenir de voter. Selon les recommandations de cette résolution, l'Irak devait reprendre les pourparlers afin de trouver une issue diplomatique au conflit l’opposant au Koweït. C’était pourtant ce qu’avait tenté l’Irak, sans résultats, avant l’invasion de l’émirat. Dans les jours qui suivirent, Saddam Hussein entreprit systématiquement de faire prisonniers les ressortissants étrangers sur le sol irakien et koweitien… c'était sa manière de négocier.

Le 6 août, la résolution 661 sanctionna l'Irak et le Koweït avec un embargo économique international13. Les 170 pays membres de l'ONU devaient veiller à ce qu'aucun produit ne transite vers l'Irak et le Koweït tant que les troupes irakiennes n'étaient pas revenues au statu quo. A l'origine de ce projet visant à sanctionner et à isoler l'Irak : les anglo-américains.

Le 7 Août, le président Bush ordonna le déploiement du Bouclier du Désert (opération Desert Shield), l'objectif était de défendre l'Arabie Saoudite d'une éventuelle et hypothétique offensive irakienne14. Le chef d’Etat-major interarmées, Colin Powell, attesta du danger imminent à la frontière saoudienne grâce à des images satellite classifiées du Pentagone au mois de septembre 1990 ; au mois d’octobre, le président Bush prit secrètement la décision de doubler les effectifs !

Les clichés de Colin Powell étaient censés illustrer la mobilisation de l’armée irakienne le long de la frontière saoudienne, avec la présence d’environ 1.500 tanks et 250.000 militaires irakiens. Or cette affirmation fut totalement discréditée quelques mois après, lorsque le St. Petersburg Times, un journal basé en Floride, se procura des images satellite commerciales du même emplacement, à la même période, montrant qu’il n’y avait aucune force irakienne positionnée à la frontière irako-saoudienne15. L’information en temps de guerre revêt une importance vitale et les mensonges de ce genre sont lourds de conséquences et malheureusement ce ne fut pas un cas isolé lors de ce conflit. Le 5 septembre, le quotidien britannique Daily Telegraph publia une nouvelle au sujet de nourrissons qui auraient été assassinés par des soldats irakiens au Koweït. Pour obtenir l’aval du Congrès américain, l’Administration Bush se servit de cette opportunité. Le 14 octobre, une jeune koweïtienne prénommée « Nayirah » (aka Nijirah al-Sabah) témoigna devant la Commission des droits de l’homme du Parlement américain. Grelottante et reniflant, elle déclara que durant l’occupation du Koweït, des bébés, maintenus dans des couveuses, avaient été jetés à terre par l’armée irakienne désireuse de s’emparer des incubateurs16. La jeune fille en question, âgée de 15 ans, n’était autre que la fille de l’ambassadeur du Koweït aux Etats-Unis17. Nul doute que le régime de Saddam Hussein avait commis des atrocités mais cette histoire, la plus sensationnelle à l’époque, fut matraquée par les médias, les politiciens, et le président George Herbert Walker Bush. L’allégation, à force d’être formulée, était devenue véridique aux yeux de l’opinion. Amnesty International confirma à posteriori l'information puis se rétracta mais trop tardivement. La manœuvre fonctionna puisque le 12 janvier 1991, l’Administration Bush obtint l’accord du Congrès de recourir à l'usage de la force en Irak (S.J.RES.2), avec une marge minime du côté du Sénat, 52 pour et 47 contre.


La crise du Golfe, ou la deuxième guerre du Golfe, était historique pour les Etats-Unis puisque nous assistions à leur plus gros déploiement de force hors de leur territoire depuis le Vietnam. Le 9 août, la résolution 662 fut adoptée, cette mesure fut préparée par les 6 monarchies du Golfe (GCC), même Cuba et le Yémen votèrent en sa faveur18. Ce texte renforçait la résolution 660 qui déplorait l'annexion du Koweït et réclamait le retour du gouvernement légitime du Koweït. Le 12 août, à travers une émission télévisée irakienne, Saddam Hussein déclara qu'un autre arrangement pouvait être envisagé pour le Koweït, à condition qu'Israël se retire de Palestine ainsi que la Syrie du Liban. Washington et Tel-Aviv refusèrent cette proposition qui, selon eux, avait toute l'apparence d'une opération de propagande pour détourner et focaliser l'attention sur des différends ne concernant pas l'Irak. Mais les faits démontraient la dangerosité des propos tenus par Saddam Hussein puisque depuis des décennies, Israël violait - et viole encore - des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU au sujet des territoires occupés en Palestine, sans oublier l’intervention et l’occupation illégitime du Liban par la Syrie depuis 1976.

Le 16 août, Saddam Hussein clama : « Les koweïtiens sont des irakiens depuis des millénaires ». Le lendemain, le Conseil de sécurité de l'ONU vota à l'unanimité la résolution 664 exigeant le départ de tous les nationaux des Etats tiers présents en Irak et au Koweït19. Dans le même temps, Bagdad réclama la levée de l'embargo qui allait faire dépérir toute la population civile, aussi bien les étrangers que les irakiens et les koweitiens. Et, si le président Bush retirait ses troupes du Golfe alors Saddam Hussein s'engageait à libérer tous les otages. La Maison-Blanche rejeta cette proposition, qualifiée à nouveau de propagande. Pourtant l'histoire démontra que Saddam Hussein avait libéré tous les otages sans aucune contrepartie.

Le 18 août, Saddam Hussein, celui qu'on appelait aussi « le Raïs », décida d'utiliser les ressortissants étrangers, uniquement ceux dont les nations étaient agressives, en tant que bouclier humain, à des endroits jugés stratégiques, ceci pour contrer le Pentagone et son Bouclier du Désert déployé dans les 6 monarchies du Golfe. Durant cette période, le président Bush compara Saddam Hussein à Adolf Hitler lorsqu'il avait envahit la Pologne20. Les relations entretenues par Washington avec le régime de Saddam Hussein pendant les années 1980 semblaient bien lointaines. L'ancien partenaire de Washington était soudainement devenu un être indésirable comparable à la bête hitlérienne.

Le 20 août, le président Bush formula la directive de sécurité nationale n°45 qui préconisait un durcissement de la politique des Etats-Unis21. Le 22 août, le président Bush autorisa l'envoi supplémentaire de réservistes afin de renforcer les troupes déjà en place dans le Golfe. Le jour suivant, Bagdad sonnait l'alarme, laissant 24 heures aux Occidentaux pour fermer leurs ambassades au Koweït. Ce jour-là, Saddam Hussein fit une apparition à la télévision américaine via la chaîne CNN avec, à ses cotés, des otages ; son message appelait à la négociation. Le 24 août, les troupes irakiennes prirent position autour des ambassades qui n'avaient pas encore été évacuées, elles coupèrent l'eau, l'électricité et les lignes téléphoniques. 


Le 25 août, le Conseil de sécurité de l'ONU adopta la résolution 665, Yémen et Cuba s'abstenant. La résolution 665 avait pour but de faire respecter les mesures prises dans la résolution 66122 au sujet de l’embargo notamment maritime. Bagdad demanda officiellement aux commandants de ses navires de ne pas affronter le blocus occidental. Le 28 août, Saddam Hussein proclama par décret le Koweït « province de l'Irak » puis prétendit être prêt pour un dialogue. Le 29 août, Bagdad annonça le rationnement de diverses denrées à la population irakienne, en conséquence des effets du blocus international. Le 30 août, le président Bush réclama un soutien économique international pour régler les frais de l'opération Desert Shield. Le 2 septembre, Saddam Hussein relâcha plusieurs otages, particulièrement les femmes et les enfants. Le 9 septembre, Washington et Moscou décidèrent de coopérer pour permettre au Koweït de retrouver son indépendance. Le 13 septembre, l'armée irakienne entreprit des fouilles dans les ambassades de Koweït City afin d'y débusquer d'éventuels ressortissants. Le 14 septembre, le Conseil de sécurité de l'ONU vota la résolution 666 relative à une possible aide humanitaire en cas d'extrême nécessité, supervisée par l'ONU et le Comité International de la Croix Rouge (CICR)23.

Les jours défilaient, au Koweït les pillages, les saccages, les exécutions sommaires s'accumulèrent. Le 16 septembre, le Conseil de sécurité de l’ONU condamnait énergiquement l'Irak, par le biais de la résolution 667, pour son attitude envers les diplomates ainsi que les ressortissants étrangers et exigeait leur libération et la réouverture des ambassades24. Le 20 septembre, Saddam Hussein menaça de détruire tous les champs pétrolifères si l'Irak était attaqué. Le 25 septembre, le Conseil de sécurité de l’ONU décréta un embargo aérien sur l'Irak à travers la résolution 670, par 14 voix contre 1, celle de Cuba25. Seule l'aide humanitaire, si elle s'avérait nécessaire, pourrait emprunter le réseau aérien. Le 16 octobre eut lieu aux Etats-Unis la première manifestation pacifiste, mais la majorité de la population soutenait et approuvait les actions du président Bush.

Pendant ce temps, l'opération Desert Shield suivait son cours, le déploiement des forces américaines de la coalition dans le Golfe était continuel. le Pentagone envisageait l'envoi de GI's supplémentaires d'ici la fin de l'année 1990. Le 29 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU adopta la résolution 674 renforçant la résolution 667 qui condamnait les agissements irakiens au Koweït et les rendait responsable des réparations et des indemnisations engendrées par l’invasion du Koweït26. Le 18 novembre, Bagdad annonça la libération imminente de la totalité des otages avec une porte de sortie prévue entre les 25 décembre et 25 janvier.

Le 28 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU condamnait l'Irak par la résolution 677, suite à ses tentatives de modification et de destruction de l'État civil koweïtien27. La réaction internationale qui suivit fut historique pour l'ONU. Le 29 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU vota la résolution 678, afin de faire appliquer les mesures de la résolution 660 en usant « de tous les moyens nécessaires ». Cet ultimatum mettait fin aux tractations diplomatiques et fut fixé au 15 janvier 1991, à minuit. Cuba et le Yémen s’opposèrent à la résolution 678, et la Chine, membre permanent du Conseil, s’abstint28.

Le 2 décembre, selon le programme de détection par satellite mis en place par la Défense (Iraq Regional Intelligence Task Force) et géré par la DIA29 Saddam Hussein testa 3 missiles Scud. Le 6 décembre, surprenant l'opinion internationale par son honnêteté, Saddam Hussein entreprit de faire libérer l’ensemble des otages, utilisés alors comme bouclier humain, et il présenta ses excuses pour les mauvais traitements dont ils auraient pu être victimes. A cet instant, le monde pensait entrevoir une lueur d'espoir. Mais le 16 décembre, le président Bush confirma son intention de frapper l'Irak si la situation restait inchangée au Koweït.

Durant cette période qui s’écoula jusqu'à l'ultimatum du 15 janvier 1991, les tentatives de dialogue échouèrent car ni l’une ni l’autre des parties ne voulaient infléchir son discours. Saddam Hussein resta dans l'optique de traiter tous les conflits du Moyen-Orient dans une même prérogative alors que pour Washington il était hors de question de résoudre à la fois l'invasion du Koweït et le problème israélo-palestinien. Dans ce conflit, Yasser Arafat avait toujours soutenu la position de Saddam Hussein, à l'instar de la Tunisie, l'Algérie, la Libye, le Soudan et Cuba. La position du Koweït resta immuable, inflexible, il ne voulait ni plus ni moins que l'application des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.

De l'autre côté du continent, le Congrès américain avait autorisé le président George H.W. Bush à utiliser la force militaire contre l'Irak, comme défini dans la résolution 678 du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Congrès vota à une majorité de 250 voix contre 183 à la Chambre des représentants et de 52 voix contre 47, avec une abstention, au Sénat30. Le compte à rebours annonçait J-2 avant le grand show américain. Ce jour-là, en Irak, Saddam Hussein déclara encore que la résolution de ce conflit passait par la restitution de la Palestine et des droits arabes spoliés. J-1 avant la seconde phase, l'intervention militaire des américains sur le sol irakien connue sous le nom de code : opération Desert Storm ouTempête du Désert.

Sur les 660.000 soldats déployés sur le terrain opérationnel, il y aurait eu environ 500.000 GI's (75%) et 160.000 soldats alliés (25%) face à 610.000 soldats irakiens dans le Golfe dont une centaine de milliers de la Garde Républicaine irakienne, l'élite de l'armée31. Les américains allaient pouvoir utiliser ou tester tout leur arsenal militaire : bombes à effet de souffle, bombes à guidage laser, uranium appauvri, napalm, cluster bombs. Ceci dans l'unique but de démontrer au monde entier, comme cela avait été fait à la fin de la Seconde guerre mondiale à Nagasaki et Hiroshima, qu'ils étaient la puissance incontournable à la fin de la guerre Froide. Le président George H.W. Bush et ses acolytes allaient promouvoir le « Nouvel Ordre Mondial ».


Le 11 septembre 1990, lors d'un discours au Congrès, le président Bush intronisa le concept de Nouvel Ordre Mondial. ("...a new world order can emerge a new era...").



L'opération Desert Storm débuta officieusement le 15 janvier 1991 par des patrouilles de F-117 Nighthawk afin de tester les radars et les défenses antiaériennes de l'Irak. Le F-117, un avion de type furtif avec un design pour le moins unique, est également capable de larguer des bombes. Une arme meurtrière produite par Lockheed Martin Corporation. Ce même jour, le président Bush et le NSC adoptèrent la directive de sécurité nationale n°54 qui définissait les différents axes de la politique d'intervention des États-Unis dans le Golfe. Son principal objectif était de contraindre Saddam Hussein, par la force, à respecter les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU adoptées depuis l'invasion du Koweït, le 2 août 1990, et plus particulièrement les résolutions 660 et 662, relatives au retrait des troupes irakiennes du Koweït32. Pour l'accomplissement de cette mission, l'armée américaine et la coalition devaient remplir les objectifs suivants selon la directive de sécurité nationale n°54 :

  • Défendre l'Arabie Saoudite et les autres états membres du GCC contre toute attaque irakienne.
  • Empêcher ou prévenir tout lancement de missile balistique irakien contre ses voisins ou les forces alliées.
  • Détruire le potentiel chimique, biologique et nucléaire irakien.
  • Détruire les centres vitaux de commandement, de contrôle et de communication de l'Irak.
  • Eliminer la Garde Républicaine.
  • Diriger une opération pour extirper les forces irakiennes hors du Koweït ainsi qu'une opération de propagande de déstabilisation contre Saddam Hussein pour entraîner son renversement.

Tous les moyens raisonnables et nécessaires devaient être mis en œuvre afin de minimiser les pertes des États-Unis et de la coalition, de limiter les dommages collatéraux dus aux assauts militaires et prendre des précautions spécifiques pour réduire le nombre des pertes civiles. La directive de sécurité nationale n°54 notifiait que les États-Unis reconnaissaient les frontières de l'Irak et n'avaient aucune intention de les modifier. Enfin, si et seulement si l'Irak venait à utiliser des armes non conventionnelles - chimiques, biologiques, nucléaires - ou si Saddam Hussein commanditait des attentats contre les pays membres de la coalition, ou encore s'il détruisait les champs pétrolifères du Koweït, alors la nécessité de remplacer le président de l’Irak deviendrait une évidence pour sauvegarder les intérêts des États-Unis. Saddam Hussein avait donc implicitement le droit de massacrer des civils irakiens, de brûler des puits de pétrole irakiens et d’utiliser des armes conventionnelles de destruction massive. De la théorie à la pratique, nous avons vu que Saddam Hussein avait utilisé à plusieurs reprises des armes chimiques dans le précédent conflit contre son voisin iranien. Il ne fut alors jamais question de le remplacer.

Les premiers bombardements débutèrent dans la soirée du 16 janvier 1991. Le lendemain, officiellement, l'armée de l'air américaine lança l'opération Desert Storm avec l’appui des forces de la coalition. Le ballet morbide et incessant des bombardements pouvait commencer avec les bombardiers B-52, F-117, F-111s, les avions de combat F-15 Eagle et les missiles de croisière Tomahawk lancés à partir de la flotte navale américaine.


Le 29 janvier, les États-Unis repoussaient pour la troisième fois, avec l'accord de leurs alliés, un débat sur la guerre au Conseil de sécurité de l'ONU sous l'impulsion de l'Union du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Libye et Mauritanie). Ce même jour eut lieu la première bataille terrestre, des irakiens attaquèrent Khafji en Arabie Saoudite33. Deux jours plus tard les forces de la coalition reprenaient le dessus, non sans mal, en dépit des propos arrogants prononcés par le général Norman Schwarzkopf, chef de la coalition, qui avait comparé l'attaque irakienne à une piqûre de moustique sur un éléphant34. Lors de cette première bataille, un soldat irakien avait tout de même abattu un avion américain (gunship AC-130) avec un missile anti-aérien, tuant les 14 membres de l'équipage.

Pendant ce temps, la vie peuple irakien se dégradait à vue d’œil, le rythme des raids aériens ne cessait d'augmenter. L'hiver était présent et il n'y avait plus d'eau, ni électricité, ni gaz, sans compter toutes les pénuries alimentaires.

Les premiers objectifs de la coalition furent remplis après plus de 112.000 sorties aériennes et le largage d'environ 87.000 tonnes de munitions, en date du 22 février 199135. Ce jour-là, Washington lança un ultimatum à Bagdad, lui intimant le respect, et ceci sans conditions, de toutes les résolutions de l'ONU ; dans le cas contraire, l'offensive terrestre aurait pour mission de libérer le Koweït.

L'offensive terrestre débuta le 24 février et s'acheva le 28 février sur ordre du président Bush ; cette période fut surnommée « la guerre des Cent Heures ». Et le cessez-le-feu ordonné par la résolution 686 du Conseil de sécurité de l'ONU fut officiellement effectif le 3 mars36. Cette décision arriva abruptement alors que les forces de la coalition étaient en mesure de mettre définitivement hors d’état de nuire le régime de Saddam Hussein. Nous pouvons expliquer ce choix comme la conséquence des manifestations de la population civile irakienne - remontant au 26 février, avant la résolution 686 - et qui réclamait le départ du Raïs. N’est-ce pas ce qu'avait souhaité le président George H.W. Bush, dans un appel adressé au peuple irakien le 15 février ? Finalement, George H.W. Bush ordonna au général Colin Powell de faire cesser les hostilités, ce dernier transmit cet ordre présidentel au général Schwarzkopf.

Mais Saddam Hussein ne fut pas déchu de son pouvoir, l’armée américaine lui fit même grâce de plusieurs dizaines de milliers de soldats issus de la Garde républicaine irakienne ainsi que d’équipements militaires. Les troupes de Saddam Hussein étaient alors isolées dans leur dernier bastion à Bassora, cernées par les forces de la coalition qui les laissèrent prendre la fuite. Saddam Hussein put faire face aux soulèvements insurrectionnels du 1er mars, immédiatement après la guerre, partant du Sud avec les chiites et s’étendant jusqu'au Nord avec les kurdes. Dans le cas des chiites, l’armée américaine les empêcha de rallier Bagdad pour lancer la révolte et ils furent contraints, parfois sous la menace, de revenir sur leurs pas pour ensuite être victimes de gazage ou des tirs de l’armée irakienne qui enterra les corps des victimes dans des charniers. En revanche les kurdes purent être « protégés » assez rapidement grâce à des Occidentaux qui filmèrent les réfugiés kurdes délaissant leur village dans le désordre général pour aller s’abriter dans les montagnes. A la suite de cette médiatisation, le président George H.W. Bush, sous la pression et devant le fait accompli, décida de créer une zone aérienne destinée à protéger la minorité kurde au Nord de l’Irak, comme défini dans le texte de la résolution 688 du 5 avril 199137. Cette résolution ne faisait pourtant aucune mention de la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne mais condamnait l’Irak, en lui demandant de cesser la répression à l’encontre de la population civile, notamment les kurdes au Nord du pays, et appelait tous les États membres à contribuer aux efforts humanitaires. La décision fut prise unilatéralement par les Etats-Unis, en la personne du président Bush, soutenus par la Grande-Bretagne et partiellement par la France qui se retira en 1996.

L’opération militaire visant à sécuriser la zone au Nord de l’Irak, pour le bon acheminement de l’aide humanitaire, débuta au mois d'avril 1991, un mois après les premiers soulèvements en Irak. Elle est connue sous le nom de code Provide Comfort, puis par la suite Northern Watch38. Le même type d’opération fut mis en place plus tardivement pour la partie Sud de l’Irak avec les chiites, le 27 août 1992 : opération Southern Watch39. Le massacre des chiites se déroula sous les yeux du général Schwarzkopf qui permit aux hommes de Saddam Hussein, lors d’une rencontre à Safouan, en Irak, au mois de mars – rencontre qui concernait les conditions du cessez-le-feu - d’utiliser leurs hélicoptères pour accomplir l’un des plus importants crimes contre l’humanité du règne de Saddam Hussein, venant s’ajouter à la catastrophe d’Halabja en 1988 et à la campagne Al Anfal.

La seconde guerre du Golfe fut à l’origine du déploiement du plus gros contingent militaire américain depuis le Vietnam ; le nombre de tonnes de bombes larguées en quelque 40 jours est équivalent à la puissance de 7,5 Hiroshima, pour un total de victimes irakiennes évaluées à 75.000 morts40. Ce déploiement de force était nécessaire pour terrasser la 4e puissance militaire du monde à l’époque, selon les spécialistes américains notamment ceux du département de la Défense, alors que l’Irak était passablement usé, avec une économie en déroute, après 8 années de guerre contre l’Iran.

Cependant, il est certain que l’Irak avait acquis une forte capacité militaire, à un niveau régional, puisqu’il était devenu le premier importateur d’armes entre 1982 et 198741, mais l’Irak se trouvait forcément en retrait par rapport aux 7 puissances nucléaires, et plus encore des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Le conflit opposant l’Irak à l’Iran fut de longue haleine et la victoire irakienne, à la fin des années 1980, fut le résultat du soutien occidental, non d’une hypothétique puissance militaire impérialiste en devenir.

En exploitant cette crise du Golfe, le chef tout puissant de la coalition, le président George H.W. Bush, permit aux États-Unis d’installer des bases américaines dans les monarchies du Golfe, en Arabie Saoudite, au Qatar, au Koweït, à Bahreïn, à Oman et dans les Emirats arabes unis, afin d’augmenter l’influence américaine dans la région. Le régime de sanctions imposé par l’ONU, à l’initiative des États-Unis et de la Grande-Bretagne, continua d’être appliqué, outrepassant la Convention de Genève qui interdit expressément de prendre pour cible les populations civiles. Les contraintes imposées à l’Irak rendaient la vie impossible aux irakiens et renforçaient considérablement l’emprise de Saddam Hussein sur sa population. Il put affamer son peuple à sa guise et ainsi le soumettre encore plus à sa volonté. Les quelques privilégiés qui l’entouraient avaient intérêt à le soutenir s’ils désiraient garder leur statut. Pendant ce temps, les États-Unis se servirent de la « Bête de Bagdad » dans tout le Moyen-Orient pour contracter de nombreuses ventes d’armement chez les pays voisins qui s’équipèrent dans le but de se défendre face à une hypothétique invasion de l’Irak.

Au Congrès américain, le sénateur démocrate Tom Lantos ne cacha pas son opinion au sujet de la politique étrangère américaine en Irak. Il critiqua le comportement laxiste de l’Administration Bush envers le régime de Saddam Hussein qui avait fait croire à ce dernier qu’il avait carte blanche pour envahir le Koweït42.

Un autre épisode dramatique de la guerre du Golfe 2 fut l’utilisation d’uranium appauvri (320 tonnes), responsable de ce que l’on a désigné comme étant le « syndrome du Golfe ». A l’époque, cela a longtemps été nié par le département de la Défense (DoD) mais par la suite cela fut avéré par un rapport intitulé « Depleted Uranium in the Gulf » (DoD 1998). Cependant les conclusions du département de la Défense niaient toute exposition des soldats américains à l’uranium appauvri contrairement à un rapport du GAO en 200443. Le pire étant que les soldats de l’armée américaine n’avaient pas été informés de la composition et du danger représenté par ces nouvelles armes américaines utilisées pour la première fois contre l’Irak. Plusieurs d’entre eux ont inhalé ou ont été en contact avec de l’uranium appauvri, cela a provoqué divers symptômes.

L’uranium appauvri est un déchet nucléaire radioactif représentant un problème pour la plupart des pays utilisant l’énergie nucléaire en raison de son retraitement fort complexe. Le complexe militaro-industriel américain, en coopération avec le département de l’Énergie, a donc recyclé cette matière radioactive pour créer un nouveau type de projectiles dont la capacité de perforation est multipliée, ce qui est très efficace pour percer des bunkers par exemple. Les États-Unis se sont débarrassés de ce poison néfaste pour le transmettre aux irakiens qui devront attendre 4,5 milliards d’années avant de voir disparaître les éclats et les résidus de matières radioactives. Ce n’est pas sans rappeler un autre épisode de l’histoire américaine, avec l’utilisation de l’agent orange, ou défoliant, au Vietnam.

En produisant un faux document pour simuler la présence de troupes irakiennes près de la frontière saoudienne, puis en instrumentalisant une mineure de 15 ans pour manipuler le Congrès américain, les Etats-Unis ont encore prouvé qu'ils n'avaient aucune forme de respect vis-à-vis du droit international qu'ils prétendent incarner, promouvoir et défendre. Mais il y a toujours pire, après l'utilisation d'uranium appauvri, un embargo inique et génocidaire, voici un document émanant de la Defense Intelligence Agency (DIA), agence de renseignements du département de la Défense, laissant suggérer que les États-Unis avaient prévu les terribles pertes civiles irakiennes qui seraient occasionnées par le bombardement du système de retraitement de l’eau en Irak, conjugué à l’embargo international imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU. Autant dire que l'horreur n'a aucune limite.


Ce document de la DIA est daté au 21 janvier 1991 et fut déclassifié en 1995. Il a été analysé par l’International Association of Genocide Scholars (IAGS) qui souligne qu’il a été partiellement déclassifié, il en manque donc une partie44. Ce rapport de la DIA, sous couvert d’être un raisonnement logique permettant d’aboutir à un résultat, et non à un plan, peut s’avérer être la démarche à suivre pour aboutir à un génocide de masse. Son utilisation étant à la seule appréciation de l’Administration américaine, en l’occurrence celle du président Bush. Ce document intitulé « Irak Water Treatment Vulnerabilities » (IWTV) aborde la problématique et les conséquences d’une mise hors service du système de retraitement en eau potable de l’Irak. La qualité de l’eau irakienne non traitée est pauvre car elle est forte en minéralisation et salinité ce qui engendre des diarrhées. Or l’Irak dépend de l’importation d’équipements et de produits chimiques pour purifier son eau. Ainsi l’échec du ravitaillement en eau potable pourrait accroître les incidents sur la majeure partie de la population et des industries dépendantes de l’eau : pétrochimie, fertilisants, raffineries de pétrole, électronique, et les secteurs pharmaceutique et alimentaire. Selon l’IWTV, la dégradation totale du système de retraitement irakien devait prendre 6 mois après l’opération Desert Storm.

Denis Halliday, un ancien coordonnateur des opérations humanitaires en Irak, entre 1997 et 1998, démissionna de son poste en qualifiant l’embargo du Conseil de sécurité de l’ONU de génocide. Idem pour son successeur, de 1998 à 2000, l’allemand Hans Von Sponeck45. Le virus de la polio(myélite) est réapparu en Irak après la seconde guerre du Golfe, alors qu’il avait été éradiqué. La polio provoque de la fièvre, des douleurs musculaires, des maux de gorge, des sueurs et des diarrhées. En 2 ou 3 jours s’installe la paralysie dans certains membres ; un virus en somme qui, sans vaccination, peut aboutir au décès. Tout cela, ajouté à la malnutrition et au manque voire à l’absence de soins médicaux, allait fortement toucher les jeunes enfants et les personnes âgées. Tout en voulant demeurer prudent face à une si lourde accusation, avec le recul que nous avons aujourd’hui, en 2006, et au vu des faits, nous pouvons considérer que cette prudence n’est plus de mise. A la lueur des derniers événements, le régime de Saddam Hussein aurait causé moins de victimes irakiennes que la première guerre du Golfe, la seconde guerre du Golfe (+ les sanctions de l’ONU), sauf à tenir la « Bête de Bagdad » entièrement responsable de tous ces événements et de leurs conséquences. Sans tenir compte du rôle de hauts fonctionnaires américains et de l’Occident en général, comme dans le procès de Saddam Hussein qui a débuté en 2005 en Irak.

Sources :

1 - FOIA - CIA - An Intelligence Assessment, Iraq's National Security Goals, page 12, Décembre 1988.
2 - William Blum - Les guerres scélérates, page 344.
Webster G. Tarpley et Anton Chaitkin - The Unauthorized Biography, chapitre XXIII, pages 560 et 561.
3 - OPEP - Annual Statistical Bulletin 2003, page 9. Dans la première moitié des années 1980 le Koweït possédait la deuxième réserve de pétrole prouvée au monde, dans la seconde moitié la troisième, actuellement il s’agit de la 4ème réserve d'or noir.
4 - Department of Energy - Iraq Energy Chronology, 1980-November 2005.
Public Broadcasting Service (PBS) Frontline - Oral History : Tariz Aziz.
5 - FOIA - CIA - Directorate of Intelligence, OPEC : Iraqi Intimidation and Implications for Oil Prices, page 2, 30 Juillet 1990.
6 - William Blum - Les guerres scélérates, page 343.
7 - U.S. Central Command (CENTCOM) - Operation Desert Shield/Desert Storm, page 3, 11 Juillet 1991.
8 - FOIA - Embassy Bagdad - Saddam's Message of Friendship to President Bush, 25 Juillet 1990.
Le Monde Diplomatique - Notre ami Saddam, Novembre 2004.
Public Broadcasting Service (PBS) Frontline - Oral History : Tariz Aziz.
9 - FOIA - CIA - Persian Gulf States : Unequal Burden of Low Oil Prices, page 23, 20 Juillet 1990.
FOIA - CIA - Directorate of Intelligence, OPEC : Iraqi Intimidation and Implications for Oil Prices, pages 1 et 2, 30 Juillet 1990.
10 - FOIA - CIA - NIC 00244/89, Response to National Security Review-10, U.S. Policy Toward the Persian Gulf, 3 Mars 1989.
11 - Conseil de sécurité de l’ONU - résolution 660, 2 Août 1990.
12 - U.S. Central Command (CENTCOM) - http://www.centcom.mil/
13 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 661, 6 Août 1990.
14 - U.S. Central Command (CENTCOM) - Operation Desert Shield/Desert Storm, page 6, Juillet 1991.
15 - Fairness & Accuracy In Reporting (FAIR) - A Failure of Skepticism in Powell Coverage, 10 Février 2003.
Public Broadcasting Studio (PBS) Frontline - Chronology Gulf War 1991.
16 - The Guardian - The disinformation campaign, 4 Octobre 2001.
17 - Home Box Office (HBO) - Remember Nayirah, Witness for Kuwait, voir aussi l’article de John R. MacArthur dans le New York Times du 6 Janvier 1992.
Fairness & Accuracy In Reporting (FAIR) - HBO Recycling Hoax, 4 Décembre 2002.
Library of Congress - Senate Joint Resolution 2 (S.J.RES.2) Authorization for Use of Military Force Against Iraq Resolution, 12 Janvier1991.
18 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 662, 9 Août 1990.
19 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 664, 18 Août 1990.
20 - Webster G. Tarpley et Anton Chaitkin - The Unauthorized Biography, chapitre XXIII, page 570.
Le Monde Diplomatique - Notre ami Saddam, Novembre 2004.
William Blum - Les guerres scélérates, page 348.
21 - FOIA - NSC - National Security Directive-45, U.S. Policy in Response to the Iraqi Invasion of Kuwait, 20 Août 1990.
22 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 665, 25 Août 1990.
23 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 666, 13 Septembre 1990.
24 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 667, 16 Septembre 1990.
25 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 670, 25 Septembre 1990.
26 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 674, 29 Octobre 1990.
27 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 677, 28 Novembre 1990.
28 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 678, 29 Novembre 1990.
29 - Defense Intelligence Agency (DIA) - Iraq Regional Intelligence Task Force, Iraq Launches Multiple SRBM's Dec 2, 3 Decembre 1990.
30 - Library of Congress - Senate Joint Resolution 2 (S.J.RES.2) Authorization for Use of Military Force Against Iraq Resolution, 12 Janvier 1991.
Library of Congress - House Joint Resolution 2 (H.J.RES.77) To authorize the use of United States Armed Forces pursuant to United Nations Security Council Resolution 678, 12 Janvier 1991.
31 - CNN.com - Gulf War Facts.
32 - FOIA - NSC - National Security Directive 54, Responding to Iraqi Aggression in the Gulf, 15 Janvier 1991.
33 - Public Broadcasting Studio (PBS) Frontline - Chronology Gulf War 1991.
Washington Post - Allied Bombers Strike Shifting Iraqi Troops, 1er Février 1991.
34 - Washington Post - Allied Bombers Strike Shifting Iraqi Troops, 1er Février 1991.
35 - U.S. Central Command (CENTCOM) - Operation Desert Shield/Desert Storm, page 1, 11 Juillet 1991.
36 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 686, 2 Mars 1991.
37 - Conseil de sécurité de l’ONU - Résolution 688, 5 Avril 1991
38 - GlobalSecurity.org - Operation Provide Comfort.
GlobalSecurity.org - Operation Northern Watch.
39 - GlobalSecurity.org - Operation Southern Watch.
40 - Université Cornell (NY) - Deaths In Wars and Conflicts Between 1945 and 2000 (3rd edition), Juin 2006.
41 - Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) - Trend Indicator Value of transfers of major conventional weapons to the 20 largest recipients 1976-2005. Durant l’année 1986 l’Irak fut devancé par l’Inde, respectivement 3935 millions et 3958 millions de dollars.
42 - Le Monde Diplomatique - Notre ami Saddam, Novembre 2004.
43 - Gulflink.osd.mil - Depleted Uranium in the Gulf.
Government Accountability Office (GAO) - Gulf War Illnesses, DoD’s Conclusions About U.S. Troops’ Exposure Cannot Be Adequately Supported, 1er Juin 2004.
44 - Université de George Washington - The Role of « Iraq Water Treatment Vulnerabilities » in Halting One Genocide and Preventing Others, 12 Juin 2001.
FOIA - DIA - Iraq Water Treatment Vulnerabilities, 22 Janvier 1991
45 - Noam Chomsky - De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis, pages 216 et 217.



Frank D.

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